Une élection atypique, qui ressemble, voire qui est, une vraie élection. Pour la première fois depuis longtemps, deux candidats se disputent le fauteuil de président de la CGEM, en remplacement de la sortante Miriem Bensalah Chaqroun. Et la lutte devient de plus en plus féroce entre l'ancien ministre Salaheddine Mezouar et l'industriel Hakim Marrakchi. Tout oppose les deux hommes, et même la CGEM ne parvient pas à les rapprocher. L'un, Mezouar, est ancien président du RNI, ancien ministre des Finances puis des Affaires étrangères, et ce sont précisément tous ces titres et ce passé qui lui attirent les foudres des puristes de la CGEM qui disent et crient leur foi inébranlable en l'indépendance (politique) de la CGEM. L'autre, Hakim Marrakchi, est vice-président sortant de la CGEM, ancien président de sa commission internationale et patron de Maghreb Industries. Pour faire court, Hakim Marrakchi est plus légitime pour la fonction briguée, mais Mezouar est plus « lourd » et peut en conséquence servir la Confédération par ses connaissances de la chose publique et son carnet d'adresses international à donner le vertige. Le suspense durera ainsi jusqu'au bout, et chaque camp, après avoir affûté ses armes, les brandit aujourd'hui face à l'autre. Ainsi, Hakim Marrakchi actif sur les réseaux, a plusieurs fois fait allusion à l'appartenance politique de son challenger, réclamant l' « indépendance » de la CGEM, en allusion aux « indépendants » du RNI, dénonçant l'OPA sur la confédération. Pourquoi OPA ? Parce que, explique M. Marrakchi dans un autre tweet, « plusieurs adhérents nous ont alertés sur de possibles pratiques qui ont cours ailleurs mais jamais au sein de notre Confédération. Nous vous demandons de garder la totale maîtrise de votre vote et de faire au mieux pour voter en personne le 22 mai ». L'industriel reproche à Mezouar d'avoir fait le tour des adhérents et d'avoir recueilli plusieurs procurations, qui le rapprochent du seuil de la moitié, qui lui permettrait d'être élu. Quand M. Marrakchi parle prudemment « de possibles pratiques qui ont lieu ailleurs », il n'est pas nécessaire d'être grand clerc pour comprendre qu'il pense aux achats de voix qui ont cours dans les élections générales du pays de la part de certains candidats, une pratique que M. Mezouar doit bien connaître, lui qui a conduit plusieurs élections nationales, régionales et locales au nom du RNI. Un proche de la campagne de Salaheddine Mezouar, réclamant l'anonymat, nous explique pour sa part que « les procurations sont tout à fait légales et notre adversaire lui-même cherche des procurations de vote. La démarche de notre candidat Mezouar n'est pas politique, mais celle de M. Marrakchi l'est, car il est soutenu par un parti politique dont il utilise les moyens. Il va falloir expliquer tout cela, la notion d'OPA et le reste »… On pense à l'Istiqlal, qu'on dit soutenir le PDG de Maghreb Industries, mais on dit tellement de choses, qui peuvent être vraies, ou non. Et la charge à l'artillerie lourde suit, notre interlocuteur s'en prenant directement à M. Marrakchi, tout en précisant que ses propos ne l'engagent que lui-même : « Dire que l'adversaire est un industriel est une fake news ; il est héritier et rentier, et souhaite agir dans cette élection en enfant gâté à qui tout est dû ». Salaheddine Mezouar reste prudent dans ses déclarations, se contentant de dérouler son programme et ses acquis, son expérience et ses contacts. Mais il souhaite se défendre contre ce qu'il considère être une attaque outrancière, rapport à l'OPA. Selon notre confrère Medias24, l'ancien chef de la diplomatie a porté cette affaire devant la commission d'éthique de la CGEM qui doit se réunir ce vendredi. En résumé, la CGEM a le choix entre deux candidats expérimentés, et peut-être même talentueux, chacun dans son créneau. Les patrons auront le choix entre l' « enfant de la maison » Hakim Marrakchi, rompu au fonctionnement de la CGEM, mais traité de « mou » par plusieurs grands chefs d'entreprise, et « le politique » chevronné et gestionnaire d'entreprises durant des dizaines d'années avant son arrivée en politique, mais considéré comme un « indépendant » membre du RNI, mais non indépendant dans les faits et la réalité. Après 6 ans de présidence Bensalah Chaqroun, la « Dame de fer » au caractère en acier trempé qui a hissé « sa » CGEM haut, très haut, les patrons devront lire l'étape suivante qui se profile après l'élection : auront-ils besoin d'un patron issu des rangs de la CGEM, qui sait gérer une entreprise, mais qui n'a pas de puissants relais à l'étranger, ou d'un dirigeant au carnet d'adresses mondial qui connaît quasiment tous les décideurs d'Afrique et du Maroc, bien qu'il ait abandonné l'entreprise depuis une quinzaine d'années ? C'est la là question, et c'est à cela que les électeurs de la confédération penseront au moment de glisser leur bulletin dans l'urne… ou de signer une procuration à l'un ou l'autre Selon les indiscrétions de plusieurs grands patrons, au fait des choses en interne, M. Mezouar part avec une nette longueur d'avance, d'où la nervosité agressive de M. Marrakchi.