Deux événements majeurs, indépendants l'un de l'autr, ont récemment marqué la vie politique au Maroc : d'un côté, le retour sur le devant de la scène partisane de Nizar Baraka, homme de dossiers aux compétences unanimement reconnues, et de l'autre la démission surprise d'Ilyas el Omari, l'un des derniers rescapés des "Zaïms" politiques populistes. Ces deux événements pourraient augurer d'une nouvelle ère dans la vie politique mouvementée et passionnante du royaume : celle du retour à la tête des partis des hommes de dossiers, souvent discrets et compétents, alliant pour la plupart expérience politique et de gestion. Souvenez-vous, le Maroc avait connu un bouleversement dans le contexte du 20 Février avec l'arrivée de Hamid Chabat, Abdelilah Benkirane et Driss Lachgar, respectivement portés à la tête du PI, PJD et USFP. Leurs profils tranchaient alors avec ceux d'un Abbas el Fassi ou Abderrahmane el Youssoufi. Plus récemment, Ilyas el Omari a été élu à la tête du PAM, succédant là encore à Mustapha Bakkoury, un homme de dossiers aussi compétent que sobre. Mais les temps changent. Benkirane a été démis de ces fonctions, Chabat est entré dans une phase de long déclin et Lachgar fait désormais profil bas. Ces chamboulements se sont accompagnés du retour des technocrates, libéraux, discrets politiciens ne faisant pas de vagues, privilégient l'action aux sorties fracassantes, piques assassines et autres polémiques sans fin. On l'a vu avec la montée en puissance d'Aziz Akhannouch et bientôt le retour annoncé et espéré de Nizar Baraka à la tête du plus ancien parti marocain, l'Istiqlal. Exit Chabat donc, ses sorties tonitruantes et ses déclarations malencontreuses… et place à l'efficacité, l'engagement pour le développement du pays, les hautes compétences et la discrétion de Nizar Baraka, jamais un mot de travers et un bilan parlant pour lui. Pour l'histoire, il était surnommé dans les lieux de pouvoir quand il était ministre dans le gouvernement el Fassi "Petit premier ministre", car il était de notoriété publique qu'Abbas el Fassi lui déléguait les grands dossiers de l'exécutif. Nizar Baraka entama ensuite des chantiers stratégiques quand il passé au ministère de l'Economie et des Finances dans le gouvernement Benkirane I, des chantiers qu'il n'avait pu achever suite à la sortie de l'Istiqlal du gouvernement. Cela avait déclenché le début de la chute libre du parti de la "conscience de la nation" et le long déclin de Hamid Chabat tombé à la fin en disgrâce, presque dans l'oubli. Mais l'Istiqlal n'est pas et ne sera jamais mort après cette période difficile, et les regards sont désormais tournés vers le congrès du parti prévu pour fin septembre, et qui s'achèvera sur l'élection du nouveau SG. La dégringolade de Benkirane, démis de ses fonctions par le roi, a elle donné lieu à l'arrivée d'un autre homme au profil totalement opposé aux manettes du gouvernement: Saadeddine El Otmani, présenté comme un intellectuel discret aux antipodes de Benkirane. Sans oublier l'irrésistible ascension du patron du RNI, Aziz Akhannouch, dont le parti occupe désormais une place de choix au sein du gouvernement. Le bilan de ses principaux départements ministériels (agriculture et industrie), ont même été salués dans le discours éminemment offensif du roi lors de la fête du Trône. Reste à savoir qui remplacera Ilyas El Omari lors du prochain congrès du parti. Une nomination qui pourrait peut être définitivement augurer cette nouvelle ère politique.