On m'a récemment raconté une blague qui m'a faite sourire, en dépit des généralisations inhérentes à ce genre d'histoires… Celle-ci explique que les filles occidentales disent de leurs fiancés qu' « ils les aiment, qu'ils sont bons, gentils et attentionnés », alors que la Marocaine, quant à elle, présente son fiancé par ces termes : « Il a un job bien payé, sa mère est morte et il n'a pas de sœurs ». Et la blague chute sur cette question : « Alors, laquelle des deux femmes est mécréante ? ». On ne doit bien évidemment pas généraliser car, et d'un, l'Occidentale n'est pas mécréante et, deux, la généralisation n'est pas la meilleure forme de débat. Mais cette histoire résume assez fidèlement une réalité que nous connaissons bien : un grand nombre de jeunes femmes évaluent le « sérieux » de leur épousailles en faisant le décompte de ce que possède le futur promis et les avantages matériels qu'il peut procurer à son « aimée » : le logis, les cadeaux de valeur… Et cette façon de voir fait oublier à bien des jeunes financées les propos sur les sentiments et la relation humaine entre elles et leurs prochains maris. « Il est bien payé » prend le dessus sur « il m'aime » ou sur « je suis bien en sa compagnie ». Que de problèmes en effet surgissent entre deux personnes à la veille de leurs noces, non en raison de la relation elle-même, mais pour les questions de cadeaux, de dot et de la salle, ah la salle, de mariage. En d'autres termes, et au lieu que ces problématiques matérielles ne soient finalement réduites à ce qu'elles sont, à savoir des questions logistiques gérables par les futurs mariés qui n'auraient de pensées que pour leur relation à bâtir, elles deviennent LE problème et occupent le cœur du débat… Ainsi, à titre d'exemple, comment donc tant de femmes, dont un grand nombre se considèrent comme modernes, ne sont-elles pas offusquées par la cruciale question de la dot ? Certaines insistent même beaucoup pour cette dot sans même prendre en compte sa symbolique. Méditons donc ce détail, avec objectivité et nonobstant le patrimoine culturel ou religieux qu'il véhicule : la dot, par son caractère obligatoire et contraignant (sur les plans juridique, religieux et social), ne réduit-elle donc pas le mariage à une simple affaire commerciale dans laquelle le futur mari doit verser une somme d'argent préalablement négociée, afin de conférer à ce mariage toute sa légitimité ? Et il en va de même avec cette tradition du « marquage » (r'chim), tellement répandue au sein des familles marocaines. Dans cette affaire, et avant la noce, la mère du fiancé offre un don à la famille de la promise, d'une valeur variable en fonction de la catégorie sociale des deux familles, mais ce cadeau sert à « marquer » (ou réserver) la femme pour un homme particulier, le fiancé. Et encore une fois, réfléchissons à cela avec objectivité : cette tradition n'évoque-t-elle pas un « acompte » que l'on donnerait pour une marchandise que nous souhaitons acquérir ? Dans cette logique, nous avançons de l'argent, sous forme de cadeau, avec des allures d'avance, au « propriétaire » de la marchandise, en vue de l'achat ultérieur de ladite marchandise et aux fins que son « propriétaire » ne négocie pas son « bien » avec d'autres personnes dans le délai imparti… Bien plus encore… Le « r'chim », ou marquage, est un terme qui nous vient de la vente des bêtes car, dans le passé, quand l'acheteur et le vendeur s'accordaient, on marquait les animaux ayant fait l'objet de la tractation au fer rouge, pour en garder la trace sur leurs corps ; on disait alors qu'on avait « marqué » les bêtes. Et c'est ainsi que la mère du fiancé marque, de sa façon pécuniaire, la jeune femme qu'elle souhaite pour son fils. On verse une dot et on garde ainsi la dame, on la « réserve » officiellement et solennellement. Tout ceci ne doit-il pas nous interpeller, et interpeller essentiellement toutes ces jeunes femmes, résolument ouvertes sur leur époque et vivant dans et avec leur temps, qui oublient bien vite leurs grands principes et valeurs dès lors qu'il s'agit de contracter une relation avec un homme, au risque de se voir reléguées au rang de marchandises ? Comment donc peuvent-elles transformer une relation humaine en acte commercial ? Ne pourrions-nous pas rêver, un jour prochain, peut-être, d'une blague qui nous parlerait d'amour et de tendresse, d'attachement et de désir fol de s'unir, à la place de ces boutades qui parlent invariablement du salaire du fiancé et du savoir-faire ménager de la femme ?