Dès son retour de Dakar où il accompagnait le roi, le nouveau président du RNI Aziz Akhannouch a présidé une réunion du Bureau politique. Il en ressort une solide volonté de continuer l'aventure gouvernementale aux côtés du PJD, aux conditions fixées par le roi Mohammed VI dans son discours de Dakar. Le RNI a publié un communiqué à l'issue de sa réunion. Le PJD aussi s'est réuni en secrétariat général et lui aussi a écrit un communiqué. Les deux textes se ressemblent, mais les deux chefs ne s'assemblent toujours pas… Le RNI rappelle, tout naturellement, sa totale adhésion à l'esprit, et à la lettre aussi, du discours royal, en l'occurrence que le gouvernement soit « cohérent, efficace, harmonieux et homogène » et que « l'Afrique soit au cœur des préoccupations et objectifs du gouvernement »… Le RNI annonce également vouloir œuvrer au profit et au bénéfice des populations pauvres, marginalisées et précarisées. C'est, en principe, ce que souhaite aussi le PJD, si l'on en croit les sorties, déclarations, annonces et même envolées oratoires du chef du gouvernement reconduit Abdelilah Benkirane. Alors pourquoi ce dernier refuse-t-il d'entamer des discussions sérieuses avec le RNI d'Akhannouch, sachant qu'il est presque certain qu'il l'aurait fait si Salaheddine Mezouar était resté à la tête du RNI ? Rancune, rancœur, ou renfermement ? Selon une source sûre, très au fait des arcanes internes du RNI, Aziz Akhannouch est disposé à continuer le travail au sein du gouvernement. « Pourquoi changer une équipe qui gagne ? Pourquoi ne pas continuer avec les mêmes, puisque les résultats sont là ? », nous explique cette source, qui ajoute : « Il aurait été plus logique d'entamer les discussions avec la majorité sortante, qui assure 220 sièges si l'on compte l'UC, 201 dans le cas contraire… Il aurait été également plus respectueux de la logique démocratique de discuter du plan d'action au sein de la majorité sortante… Et ce n'est qu'en cas de désaccord de fonds que Benkirane aurait été libre d'aller chercher à compléter sa majorité ailleurs »… Pour sa part, le PJD a lui aussi publié un communiqué suite au discours royal, dans lequel il emploie pratiquement les mêmes termes que ceux du RNI : cohérence, harmonie, priorité africaine… Mais il ajoute une précision fort utile, mais qui montre une certaine confusion dans la réflexion. En effet, le PJD déclare que les discussions et concertations sur la formation du nouveau gouvernement doivent se fonder sur un pacte entre futurs alliés, dans le cadre du respect de la volonté populaire qui a conféré la première place au parti. Personne ne conteste cela : le PJD est premier, et il a été chargé de former le gouvernement. Pour le pacte et le programme, ne serait-il pas utile, au nom des principes démocratiques, de consulter ses anciens alliés, avant ses anciens ennemis ? Le PJD parle également de programme pour la future majorité. Mais jusque-là, aucune discussion de ce type n'a été entamée avec l'Istiqlal, qui s'est contenté de déclarer que « nous y serons »… au gouvernement. Ce n'est pas nécessairement un programme de gouvernement que de vouloir y être, juste une ambition, un « deal » comme l'explique le politologue Mustapha Sehimi… Mais un « deal » n'est-il pas la plateforme d'un arrangement et de la garantie d'avantages procurés ? Et ces avantages ne conduisent-ils pas un « partage de butin », comme l'a indiqué le roi ? Benkirane doit avoir la réponse à ces questions, mais l'ambition a ses raisons que la raison ignore... A la fin de leurs communiqués, les deux partis conviennent de confier à leurs chefs respectifs le soin de mener les négociations. Pourquoi donc Benkirane ne rencontre-t-il pas Akhannouch, dans une discussion qui serait, cette fois, sérieuse, et tenue secrète tant que les deux hommes n'ont pas conclu, dans un sens comme dans l'autre ?