Nous répétons toujours les mêmes erreurs, usant et abusant là encore des mêmes procédés éculés, de même que nous n'hésitons pas à accuser et accabler ceux qui pensent différemment, en les traitant de félons et d'agents doubles ; quant à ceux qui estiment que la gestion de l'affaire du Sahara par l'Etat a été de mauvaise facture, ils sont violemment voués aux gémonies et affublés de tous les noms d'oiseaux. Il est des gens, en effet, qui ont pris à bras-le-corps le concept de l' « unanimité nationale » et qui ont commencé à sillonner le pays, défendant cette idée, sans savoir ce qui en a été à l'origine et comment cette unanimité nationale a pu se mettre en place dans les années 70. Le consensus national autour de l'affaire du Sahara n'implique ni ne signifie que l'on doive prendre de mauvais avocats pour cette cause, des avocats qui parlent peu et mal, qui ne savent pas grand-chose du Sahara, et qui ne maîtrisent que cet art consistant à vitupérer contre l'Algérie et cette manie d'insulter et d'injurier. Ces méthodes nous ont attiré les sarcasmes du monde, comme cela s'est produit récemment avec une émission diffusée par France 24… Au lieu de faire comprendre au monde ce qu'est notre affaire nationale, avec preuves et documents à l'appui, l'émission a tourné au gag, au point que le présentateur a réprimé plusieurs fois un sourire. L'unanimité nationale ne doit pas se réduire à financer des associations dont l'argumentaire se décline en flonflons et tambours, des structures dont nous n'entendons parler qu'aux heures difficiles. Et quand leurs responsables s'expriment, nous sommes pris de vertige, d'écœurement, puis d'une furieuse envie de vomir. Comment donc de tels organismes peuvent-ils bénéficier de tant d'argent en servant, finalement, à rien du tout ? Et comment croire, puis admettre, que les présidents de ces associations puissent avoir appris par cœur les mêmes antiennes qu'ils viennent nous réciter, même quand il s'agit, par exemple, du tremblement de terre d'al Hoceima ? L'unanimité nationale ne signifie nullement qu'il faille museler les voix discordantes et les ostraciser comme si elles étaient étrangères à ce pays. Laissons donc le libéral, le gauchiste et le fondamentaliste s'exprimer en toute liberté, du moment qu'ils croient à la marocanité du Sahara, car c'est cela le principe fondateur et mobilisateur… le reste n'étant que détails qui se discutent et se disputent, chacun ayant ses arguments et chacun avançant ses vues et positions. Mais faire taire les esprits critiques dans une affaire nationale est une attitude qui atteindra des résultats contraires de ceux escomptés. Nous avons besoin de personnalités comme Abderrahim Bouabid qui avait, en 1981, refusé l'idée de l'autodétermination d'Hassan II auquel il avait dit qu'on ne pouvait soumettre à référendum l'affaire d'un Sahara que l'histoire et les documents internationaux reconnaissent comme marocain. Bouabid fut embastillé, mais l'Histoire l'a glorifié. L'unanimité nationale ne doit pas aller dans le sens d'inviter des responsables politiques sur des plateaux télé, pour y déblatérer des généralités cent fois répétées et des poncifs mille fois ressassés, avant de céder la parole à des gens qui viendront nous asséner encore une fois, une fois encore, que cette affaire du Sahara est juste.les Marocains ont-ils donc tant besoin qu'on vienne leur inculquer des leçons de patriotisme et de défense de l'unité territoriale ? Les politiques marocains n'écoutent pas… N'aurait-il pas été meilleur de prêter plus d'attention aux propos de Vladimir Poutine évoquant, et souhaitant, de meilleurs relations commerciales entre le Maroc et la Russie ? Le président russe semblait mécontent de la baisse de 34% de ces échanges en 2015. Les arguments économiques et financiers sont apparus lors de cette rencontre entre les deux chefs d'Etat, et même le discours russe sur le Sahara, longtemps aligné sur les thèses algériennes en raison des relations historiques entre Moscou et Alger, a évolué, quand le ministre russe des Affaires étrangères a affirmé que les propos de Ban Ki-moon n'allaient pas dans le sens des résolutions onusiennes. J'étais aux Etats-Unis il y a un an et j'y avais rencontré un haut responsable du Département d'Etat, que j'avais interrogé sur la question du Sahara, et voici quelle avait été sa réponse : « L'Amérique est préoccupée par des centaines d'affaires de par le monde, bien plus importantes pour nous que le Sahara ; mais vous savez que le Maroc est un partenaire réel des Etats-Unis. Or, les partenariats, à notre époque, se mesurent par l'argent et les intérêts, et non pas par les sentiments et l'Histoire »… C'est cela que nous devons comprendre, tous autant que nous sommes.