Il est à mettre au crédit du ministère de l'Intérieur de Mohamed Hassad d'avoir prêté son attention au sujet fort sensible de la liste nationale, dans la perspective de la préparation des textes électoraux pour les législatives du 7 octobre prochain. Le ministère a lâché un ballon d'essai pour tester les opinions des uns et des autres, essentiellement pour la liste nationale des jeunes, que l'on pourrait donc penser à supprimer. L'opinion publique, qui a été interpellée ces dernières semaines par l'affaire des retraites des parlementaires que la ministre Afailal avait inconséquemment qualifiées de « retraites à deux balles », s'attirant les sarcasmes de tous, ne peut donc qu'être satisfaite de la réflexion menée par le département de Hassad. Les Marocains pourraient même aller plus loin et réclamer, exiger, la suppression des deux listes nationales, celle des jeunes et aussi celle des femmes dans la foulée. Des voix commencent à s'élever dans ce sens, au nom de la saine compétition politique pour l'accession à la Chambre des représentants. Aujourd'hui, si l'on examine les réalisations de la liste des jeunes durant cette législature qui tire à sa fin, nous ne trouverons rien d'autre qui nous conduise à ne pas penser qu'il s'agit d'une liste de la rente politique. Nous n'avons en effet pas remarqué de jeunes qui se soient véritablement imposés, ni sur le plan de la proposition législative ni au niveau de questions véritables sur cette frange de la population. Les jeunes qui ont profité de la rente procurée par ladite liste n'ont même pas poussé dans le sens de la mise en place du Conseil national de la jeunesse, prévu pourtant dans la constitution de 2011 qui les a menés à l'hémicycle. Mais plus grave encore est qu'une grande partie des jeunes qui ont été élus sur cette liste sont des rejetons, fils ou petits-fils de « leaders » politiques de gauche, de droite et d'ailleurs aussi. Et les choses se compliquent quand on sait que la composante majeure du collège des « jeunes élus » vient des grandes villes, alors même que les jeunes issus des campagnes et des régions éloignées ont été marginalisés dans ces listes, occupant des positions inéligibles, dans ce qu'on appelle les « candidatures militantes » !! Le ministère de l'Intérieur serait bien inspiré de revoir donc les textes réglementaires des élections en supprimant la liste nationale des jeunes, et cela serait à porter à son crédit… dans l'attente de la suppression de la liste nationale des femmes plus tard, car les raisons qui avaient présidé à la mise en place de ces listes ne prévalent plus aujourd'hui dans ce nouveau Maroc qui se construit. Et donc, en conséquence, il appartient aux partis politiques de mettre en avant les profils qu'ils souhaitent, à égalité des chances, qu'il s'agisse de femmes, de jeunes ou de « vieux ». En dehors de cela, ce serait de la rente, cette rente avec laquelle il faut rompre. Dans la constitution de 2011, qui avait réuni autour d'elle une quasi-unanimité, il y a le principe de l'égalité des chances inscrit en lettres d'or. La scène politique doit elle aussi fonctionner selon cette logique de l'égalité pour tous, et toutes, devant la loi. Avec les listes nationales des jeunes et des femmes, ce principe est rudement malmené, car ces listes étaient prévues initialement pour être provisoires et non permanentes. Les maintenir pour la prochaine élection est une atteinte à l'équilibre de la société car les listes confèrent un avantage certain aux jeunes, et particulièrement les plus chanceux d'entre eux, ceux qui sont élus sans compétences connues, hormis peut-être celle de la compétence familiale… Mais puisque la question est posée, alors posons-là autrement : combien de partis disposent-ils véritablement d'une organisation de la jeunesse qui travaille pour l'avenir de cette même jeunesse ? Et combien ont des organisations féminines qui militent pour les femmes, sérieusement ? En d'autres temps, aux temps glorieux de la politique, les formations politiques alignaient des organisations de jeunes dignes de ce nom, qui s'agitaient et agitaient la scène politique. Aujourd'hui, la plupart des membres de ces jeunesses partisanes, gauche et droites confondues, cherchent le coup de chance, le coup de bol, le coup de fusil qui les propulseraient aux premières places de la liste nationale, laquelle leur garantirait une place au soleil et la retraite qui va avec (même « à deux balles »), au lieu de s'en aller guerroyer et ferrailler dans les circonscriptions électorales. Applaudissons donc le ministre de l'Intérieur, qui a rarement droit à une telle reconnaissance du fait de la nature de sa fonction, car il aura eu le mérite de penser à corriger cette anomalie de la liste nationale de la rente, et non des jeunes ou des femmes.