Quand Hamid Chabat avait dit qu'une puissance divine fut à l'origine de son accession à la tête du parti de l'Istiqlal, les populations s'étaient alors interrogées : Quelle est cette puissance qui a planifié la chose, puis a fait en sorte que Chabat s'installe dans le fauteuil qu'avaient occupé avant lui Allal el Fassi, Mhamed Boucetta et Abbas el Fassi, au détriment du fils du fondateur et leader Allal ? Les caciques actuels du parti s'étaient en effet retournés du jour au lendemain, tournant le dos à Abdelouahed el Fassi et souriant à Chabat. D'autres, plus perspicaces, se sont posé la question de savoir la relation entre cette puissance divine et les démons et crocodiles de Benkirane. Mais cela est de l'histoire ancienne… Aujourd'hui, les même questions sont revenues quand le sieur Chabat, en pleine campagne électorale pour les communales et régionales s'est mis à fouiller dans le très sensible dossier des détenus salafistes, dans celui de la Jamaâ al Adl wal Ihsane et aussi celui d'Abdelkrim Motiî. Est-ce cette même puissance divine qui a dicté à Chabat ces allusions, ou alors le chef de l'Istiqlal a-t-il choisi de son propre chef de parler de cela, tactiquement, pour gêner et bousculer son ennemi intime le PJD qui s'est mis aussi à défendre les islamistes non parlementaires ? Dans chaque discours de Chabat, le ton monte et le propos devient rude dès lors qu'il évoque le gouvernement Benkirane et le PJD. C'est comme si cette puissance, ces mains occultes qui l'avaient propulsé à sa fonction actuelle, lui avaient aujourd'hui susurré de frapper le PJD en dessous et même en dessus de la ceinture afin de ternir son lustre. On se souvient du jour où Chabat avait accusé le chef du gouvernement d'intelligence avec Daech et avec le Mossad… On se souvient des conséquences de ces accusations, qui avaient définitivement envenimé les relations entre opposition et majorité, au point que les insultes et les noms d'oiseaux avaient commencé à fuser au parlement. Aujourd'hui, donc, Hamid Chabat a changé son fusil d'épaule car, en présentant son programme électoral, il a précisé l'urgence du règlement de la question des détenus salafistes, bien qu'il sache parfaitement que cette affaire n'est absolument pas gérée par Benkirane mais par d'autres, que ce dernier qualifiait jadis de démons et de crocodiles et que Chabat appelait la puissance divine… Le chef de l'Istiqlal a également indiqué qu'il était maintenant grand temps de lever le « blocus » imposé à la Jamaâ de feu Abdeslam Yassine, laquelle a appelé au boycott des élections à venir au motif qu'elles ne sont qu'un énième artifice du Makhzen. Et il ne s'est pas arrêté en si bon chemin, demandant le retour au Maroc d'Abdelkrim Motiî, un homme pour lui désormais vieux et qui devrait rentrer au pays. Et idem pour l'association marocaine des droits de l'Homme pour laquelle Chabat réclame une meilleure approche publique. Et de fait, le discours actuel de Chabat devient plus radical que celui de la gauche la plus radicale car il a mis le doigt sur une question sensible en matière de droits de l'Homme. Est-ce donc une révision de fond menée par l'Istiqlal, qui a participé à plusieurs gouvernements, jusques-y compris ceux des années de plomb, ou alors ce repositionnement istiqlalien et chabatien n'est-il qu'une simple tactique de conjoncture ? Quelle que soit la réponse, le proche avenir apportera ses éclairages… Mais, dans l'intervalle, les Marocains souhaitent que cette nouvelle approche de l'Istiqlal dont ils n'ont guère l'habitude de la part de cette formation, qui défend désormais Motiî, al Adl et l'AMDH, devienne centrale et fondamentale et ne soit pas seulement une ruse pour taper encore plus fort sur Benkirane et glaner des voix de-ci delà. Et puis il reste un dernier point… Est-ce une nouvelle tactique que les chefs de partis s'engagent à démissionner de leurs fonctions s'ils ne remportent pas les élections prochaines ? Chabat l'a dit d'abord, Benabdallah l'a repris à son compte ensuite et à eux deux ils ont ouvert la voie aux autres… Si ces gens disent vrai, nous pourrons alors dire que la scène politique marocaine aura connu un tournant, rompant avec la pérennité des dirigeants à leurs fonctions, ces dirigeants dont la plupart ne quittent la direction de leur parti que pour la profondeur de leur tombe. Mais longue vie à eux, avec nos souhaits cependant de les voir prendre une retraite méritée et de permettre ainsi un renouvellement des générations, une relève dont le Maroc politique a cruellement besoin.