Aujourd'hui, n'importe quel voyageur dans n'importe quelle ville du pays, en sortant d'une station de bus ou de train, se trouve exposé au harcèlement de chauffeurs de taxi à l'affût, postés en embuscade dans ces endroits stratégiques : « Taxi ? »… « Bourgogne ? », « el Oulfa ? », « Hay Riad ? », « Madinat al Irfane ? »… Ce sont les chauffeurs qui indiquent l'adresse où ils vont, eux, alors que la logique et la pratique voudraient que ce soit le client qui décide de la direction où il souhaite aller… Gad el Maleh avait raison de dire que si le chauffeur de taxi décide de l'endroit où il va et qu'il prend les usagers en conséquence, il aurait dû alors se faire conducteur de bus et non de taxi. Et ainsi donc, après que notre chauffeur eût arrêté sa destination, il se met en quête de trois clients, distincts de préférence, et qui vont au même lieu ; autrement dit, il vous sera d'autant plus difficile de prendre un taxi si vous êtes un groupe de deux ou trois personnes car le chauffeur ne voudra pas de vous, préférant trois courses en une et pas un groupe de deux ou de trois individus pour une course. Et, cerise sur le gâteau, souvent, votre conducteur refuse de faire marcher son compteur, estimant lui-même le prix de la course. Les navetteurs qui font souvent la liaison ferroviaire entre Casablanca et Rabat connaissent bien ce genre de situation, et il leur est arrivé au moins une fois de vivre la scène suivante : si, en descendant du train, ils vont à un endroit proche de la gare (route d'el Jadida par rapport à la gare de l'Oasis ou avenue de France à partir de la gare Agdal), les chauffeurs de taxi refusent de les prendre car ils vont bien évidemment préférer un client qui va plus loin, portant le prix de la course d'autant plus haut. Et ce prix est prédéfini par le chauffeur ; si vous le refusez et que vous exigez de vous en remettre au compteur, il vous appartiendra alors d'attendre un autre taxi. Quels sont les motifs invoqués par un taximan pour laisser son compteur au repos ? « Des embouteillages », « c'est la nuit »… Mais il arrive également qu'arrivés à destination, vous remarquez que le compteur n'avait pas été actionné au départ. Si on passe sur les possibles oublis dus à un compréhensible moment d'inattention, le chauffeur vous demande alors : « A combien vous faites ce trajet habituellement ? », sachant que bien souvent, nous ne faisons pas toujours cet itinéraire et que donc nous n'en connaissons pas nécessairement le tarif. Et passons aussi sur ce fait particulièrement désagréable de se trouver face à une meute de chauffeurs, chacun vous demandant avec insistance où vous vous dirigez. Et puis, tout cela ne se produit pas seulement au sortir des gares ferroviaires, mais dans bien d'autres endroits aussi… Notre propos ici n'est pas de généraliser et de traiter tous les chauffeurs de taxis de corsaires, car une partie non négligeable des membres de cette profession exercent leur fonction avec abnégation et sérieux. Mais nous parlons ici d'un secteur qui reçoit des dizaines de milliers de clients/usagers par jour à travers le pays et nous ne pouvons nous en remettre à la déontologie et à la courtoisie des chauffeurs. Le transport par taxi doit être réglementé et cette règlementation doit être sévèrement encadrée par l'autorité publique afin de mettre un terme aux abus et dérapages (au figuré et aussi parfois au sens propre) des conducteurs de taxis. Prenons le cas de la gare Rabat-Ville par exemple ; cette station ne connaît pas l'anarchie qui règne ailleurs car les taxis y ont leur station et leur travail est soigneusement encadré, la maréchaussée veillant soigneusement au respect des règles. Mais un peu plus loin, à la gare Agdal ou à la station d'autocars d'al-Qamra, c'est le chaos. Question : Comment les autorités de Rabat ont-elles pu maîtriser les choses en ville et ne sont-elles pas parvenues à réglementer, ou même essayer de réglementer, les choses à quelques kilomètres seulement ? Les taxis sont un moyen de transport privé utilisé par des milliers de Marocains et des centaines d'étrangers. Il appartient aux édiles et aux autorités locales de gérer ce secteur, de le réglementer, puis de sévir contre les contrevenants. Cela entre dans le cadre de la gestion urbaine car ce qui se produit actuellement ne répond à aucune norme civilisée ou même rationnelle, pas plus qu'il ne fait honneur aux efforts d'infrastructures consentis (nouvelles gares, nouvelles voies urbaines…). Faire respecter les textes et la loi relève également du respect des droits des usagers qui auront choisi ce mode de transport. Et puis, enfin, où sont ces associations de défense des consommateurs, si promptes à attaquer en justice un réalisateur cinématographique, et qui se terrent dans les abris dès qu'il s'agit de défendre les intérêts de particuliers, dont les usagers de taxis ne sont qu'une infime partie ?