Mardi 13 mars. Jour de grève dans les rangs des taxis de Rabat, petits et grands. Pourtant, un tour dans la capitale suffit pour constater que le mouvement de grève n'a pas vraiment été suivi. Que ce soit au centre-ville, à Diour Jamaâ, ou à Agdal, les taxis déboulent à toute vitesse, clients à bord. Du côté de la gare ferroviaire de Rabat-Agdal, l'un des QG de la profession, l'activité va bon train. « Hay Riad ? El Irfane ? Hay Nahda ? » Les chauffeurs de taxi hèlent les clients. Ils ne font pas grève. « Même si nous partageons quelques revendications des syndicats qui ont appelé à la grève, nous voulons laisser au ministre du Transport Aziz Rebbah la chance et le temps de faire son travail », confient au Soir échos de nombreux chauffeurs postés là. « On le soutient parce qu'enfin, il souhaite montrer les vérités cachées de notre métier, et le privilège dont bénéficient les détenteurs d'agréments ». Laisser du temps au temps Tous les jours, ces chauffeurs, dont aucun, sur une vingtaine présents, ne possède d'agréments, doivent verser l'équivalent de 400 dirhams à celui qui le leur loue. « On nous suce le sang quotidiennement. J'ai loué un agrément durant onze années à une femme âgée. Puis, du jour au lendemain, c'est son fils qui en a hérité et je me suis retrouvé sans rien », nous confie un chauffeur, la mine dépitée. Solution ? « Il faut retirer les agréments à ceux qui ont les moyens de vivre, et pour qui ils ne représentent qu'un bonus », clament-ils à l'unisson. Le détenteur d'agrément doit être un chauffeur de taxi, selon eux. « L'agrément ne doit pas servir à nourrir le chien du riche, mais la bouche du pauvre », résume un chauffeur déçue. Fini l'hogra L'autre explication au faible suivi de la grève, et qui apparait en filigrane, est que ces hommes ne peuvent pas se permettre de s'arrêter de travailler. 19 ans, 20 ans, 34 ans. Quel que soit le nombre d'années travaillées en tant que chauffeurs de taxi, le jour où ils s'arrêteront, aucune entrée d'argent ne sera enregistrée. « Je ne possède pas de couverture médicale. Tant que je travaille, tout va bien. Le jour où je tomberai malade, je ne vaudrai rien du tout ». Sans parler du détenteur d'agrément dont la tolérance peut ne pas s'exprimer en temps de grève. A côté de cela, les chauffeurs de taxi nous avouent souffrir d'une mauvaise image de la part du citoyen marocain. « On aimerait posséder des voitures en meilleur état, et être habillés de manière plus convenable », soutient l'un d'entre eux. Un changement qui pourrait être bénéfique aussi bien aux chauffeurs qu'aux clients. « Lorsque mon client montera dans une voiture propre et en bon état, je l'emmènerai sur son lieu de travail, où il aura envie de travailler. Aujourd'hui, il arrive transpirant et encore plus stressé ». Les chauffeurs de taxi de la gare veulent donc changer leur image. « On nous voit comme des chauffards qui refusent d'emmener le client où bon lui semble, mais c'est malgré nous », s'excusent presque les chauffeurs présents, en lutte perpétuelle contre le temps et l'argent. « Dans sa marche en avant, le Maroc ne doit pas oublier ses chauffeurs de taxi. Le transport est une locomotive pour l'économie du pays, il faut en prendre soin », conclut l'un des chauffeurs.