Le tramway est un plus malgré les points négatifs qu'on ne cesse de relever concernant l'épineux et sempiternel problème de carences de parkings de stationnement que les riverains de la voie, habitants, commerces ou entreprises ne cessent de pointer du doigt alors qu'ils seraient plus portés, selon toute apparence, à se réjouir du changement positif de l'environnement ambiant grâce aux aménagements urbains qui accompagnent l'installation de la voie ferrée. «C'est inconcevable, un tramway sans espace de stationnement près des stations! les normes c'est d'accompagner les stations par des aires de stationnement...» s'exclame un boutiquier du boulevard Mohammed V au-delà du tronçon piétonnier de cette artère. Un marchand d'articles vestimentaires du même boulevard soulève le même point: «Les gens passent, ne s'arrêtent pas, la chaussée étroite ne permet pas de stationner, le boulevard Mohammed V est toujours une périphérie bien triste de la ville, trop de locaux sont encore fermés, le commerce c'est ailleurs à derb Omar, au Maarif, à Bernoussi, Hay Mohammadi£. Mais il faut attendre quelque trois mois peut-être pour sentir ou pas l'effet tramway sur l'activité commerciale, on a bien attendu deux ans de travaux...». La chaussée rognée par la voie du tramway ne permet pas la livraison de marchandises lourdes, répète-t-on partout. Il ne reste qu'une chose: effectuer ce travail la nuit ou le matin très tôt quand le débit de la circulation est au point mort. Ou alors, si on en a les moyens, déplacer son activité ailleurs. Il parait que certains s'y seraient assujettis. Pourtant, on pensait que l'embellissement de l'environnement du tramway aurait pour effet automatique de valoriser le site géographique limitrophe et par conséquent motiver les propriétaires des commerces à se mettre à niveau pour embellir les façades. Jusqu'à présent, on a relevé quelques cas sporadiques des propriétaires de commerces ou autres qui portent espoir dans ce qu'on pourrait désormais appeler l'effet tramway. Ce n'est pas le cas de l'hôtel Lincoln dont les ruines restent une tache noire dans le boulevard, un site dont le destin est entre les mains de l'Agence urbaine qui a obtenu son expropriation pour utilité publique en vu de le reconstruire en sauvegardant la façade d'origine. En attendant, et pour parer aux dangers d'effondrement sur le passage du tramway, un haut rempart de pièces d'échafaudages a été construit. Casablanca, on le sait, ce n'est pas seulement le boulevard Mohammed V, le Maarif, Ain Diab mais aussi et surtout sa banlieue proche qui n'en finit pas de s'agrandir avec les quartiers nouveaux immenses R+ 4 qui offrent bel et bien un aspect de ghettoïsation par la forte concentration et l'absence d'espaces verts conséquents susceptibles d'atténuer un sentiment d'oppression face à l'hégémonie du béton. Un exemple édifiant: Anassi, situé à l'Est de la ville, là justement où se trouve la dernière station du Tramway. Ce dernier venant d'Ain Diab après avoir traversé 31 kms, arrive à la grande périphérie et passe par les quartiers Tacharouk et el-Hadika et s'achemine vers le terminus à l'entrée de cette grande agglomération Anassi qui est un quartier-ville, une ruche de béton initialement de 26.000 logements sociaux ayant vu le jour à partir de 1996. D'autres quartiers d'immeuble s'y sont greffés dont les lotissements Salam I et Salam II dits Machrou', issus de la résorption des bidonvilles Thomas et Sekouila rendus célèbres par les attentats du 16 mai. Ce dit Machrou' situé au sud-est du terminus du tramway est considéré parmi les quartiers chauds de la région. Les bus n'y arrivent pas pour une question d'insécurité dit-on. Un premier essai de jonction du nouveau quartier aux lignes des bus a été dissuadé par des attaques par jets de pierre. «Ces gens-là veulent tout gratis, ils veulent toujours vivre aux crochets de l'Etat avec à l'œil un toit, de l'eau, de l'électricité, du transport, des assistés quoi...» confie un receveur de la ligne 33 qui généralise en des propos amers et sans nuances. Ces quartiers situé en retrait de Anassi sont desservis par des dizaines de carrioles à deux dirhams le voyage. Un mode de transport archaïque qui crée le contraste avec le système ultramoderne et flambant neuf du tramway. Deux grandes lignes de bus principales parmi les plus importantes du réseau de Mdina Bus desservent Anassi via Bernoussi, la ligne 33 qui va vers le centre de la ville et la ligne 24 qui, elle, se dirige vers Derb Soltane, Place Sraghna en passant par Bernoussi et Sidi Moumen Jdid, Hay Sadri et Sidi Othmane. Dans ces agglomérations, des milliers d'habitants quotidiennement se dirigent vers plusieurs destinations par bus, par taxi, même à pied pour les ouvrières des zones industrielles de Zenata ou Ben Msik. Hanane, âgée d'une trentaine d'année, employée de bureau dans une entreprise au centre de la ville, habite Hay Azhar, un autre quartier nouveau-né dans les années quatre-vingt-dix, frontalier de Anassi, raconte comment le matin la ligne 33 brûle les arrêts. Les bus de Mdina Bus brûleurs des arrêts aux heures de pointe c'est le lot des travailleurs des ces quartiers. Même phénomène dans d'autres quartiers périphériques. Pour éviter un retard dû à ce phénomène, la solution c'est de se lever très tôt pour prendre les premiers bus pas encore bondés. Le même calvaire le soir pour réintégrer ses pénates. «Les bus brûlent même le deuxième et troisième arrêts avant la sortie du territoire d'Anassi parce qu'ils font le plein à l'arrêt de départ. Les besoins des habitants n'ont jamais été pris en compte». Aux heures de pointe, de 7h à 8h30, les bus une fois pleins à ras-bord à Anassi ne passent plus par Bernoussi mais prennent la direction du centre de la ville. D'autres bus de la même ligne desservent El Azhar et Bernoussi pour dégager les arrêts. Il y a, en effet, toujours disproportion entre l'offre et la demande, celle-ci étant toujours plus forte. L'injection de nouvelles voitures n'arrange pas les choses car avec les problèmes d'engorgement de la circulation, les bus font moins de rotations et tardent à revenir. Inutile d'évoquer le constat répété sur la qualité des bus mis en circulation par Mdina Bus partenaire de Casa-Tram pour la complémentarité avec le tramway, leur état lamentable, sièges arrachés traces de vandalisme du Derby, saletés, plafonds effondrés, vitres cassées non remplacées. Dans le lot, ce sont des bus usagés importés de France de chez la RATP qui sont employés dans ces lignes 33 et 24. «Quand il pleut, les sièges lorsqu'ils sont toujours là, sont mouillés, impossible de s'asseoir. Au moins pour le tramway c'est encore tout neuf, ce n'est pas du retapé et sûrement ça ne doit pas couler quand il pleut...» Bien des fois, au lieu d'attendre le bus de 4 Dh on se jette dans le grand taxi à 4,50 DH pour aller à Sidi Bernoussi et de là prendre un taxi pour Lmdina, le centre à 6,50 DH. On comprend donc l'attente des habitants de cette région qui portent beaucoup d'espoir sur la mise en service du tramway le mercredi prochain 12 décembre. Il en est de même pour le grand quartier Tacharouk et Moulay Rachid proche de la Route de Sbit. Pour les habitants de ces quartiers, le tramway est une aubaine au niveau économique quand on pense qu'il y a des travailleurs qui vont jusqu'au Maarif et peuvent être contents d'être déposés sur le boulevard Abdelmoumen. Mais il n'y a pas que les usagers des bus qui peuvent voir dans la ligne du tramway une possible alternative, car il y a aussi des automobilistes. Mohamed jeune cadre de banque d'une trentaine d'année habitant à Hay Qods (Bernoussi) compte bien profiter de la ligne du tramway. «J'ai des problèmes avec la circulation, je compte déposer ma voiture dans un parking à Anassi et prendre le tramway, c'est plus reposant et plus économique m'a-t-on dit car je peux avoir un abonnement d'un mois à 200 Dh mais tout dépend des conditions d'embarquement, si c'est aussi inhumain que pour le bus, je serais obligé de reprendre la voiture quitte à supporter les interminables bouchons et sacrifier plus d'argent pour l'essence et le parking, j'ai entendu dire qu'on va nous étriller en augmentant le prix du parking au Centre pour nous obliger à monter dans le tramway, soi-disant couteau à la gorge... » Sur son trajet, le Tramway sera un fort concurrent pour les taxis blancs du moins ceux qui font la jonction entre Hay Mohammadi et le centre de la ville. C'est en tout cas l'avis d'un chauffeur de taxi à la station de taxi Hassan Sghir : «Le tramway est un avantage pour les passagers qui prenaient deux taxis pour venir de Anassi, Sidi Moumen, Tacharouk jusqu'au centre de la ville. Ils paieront 6 Dh au lieu de prendre deux taxis à 9 Dh (4,5 Dh par taxi) avec en plus des tracasseries d'attente en moins !». Un autre chauffeur de taxi dit qui n'y aura pas de perdant entre tramway et taxis: «Chacun aura son dû, tramway ou taxi, il y aura toujours du travail, les clients du taxi lui resteront fidèles, le taxi aura toujours l'avantage de déposer le client à l'endroit où il veut et de l'orienter, ce qui n'est pas le cas du tramway, mais le taxi doit se mettre à niveau...» Sur le trajet entre Hay Mohammadi et le centre de la ville, la grande ligne 2 de Mdina Bus sera soulagée par le tramway. Même chose pour des lignes comme la 35 et la 19 de Hay Hassani et Oulfa, du moins pour une partie de leurs usagers qui descendent sur le parcours boulevards Yaakoub Mansour et Sidi Abderrahmane. Tramway: Fiche technique - Vitesse moyenne de 19 km/h - Vitesse maximale de 70 km/h - Des horaires de service de 5h30 à 22h30 en semaine et jusqu'à 23h30 le week-end - 23 sous-stations électriques - 70 km de fil aérien de contact - 200 km de câbles de puissance - 2.000 nouveaux arbres et palmiers - 220.000 m2 de trottoirs réhabilités - 4.000 nouveaux emplois dont 2.000 directs - Un investissement moyen de 200 millions de DH par km - 61 sociétés marocaines impliquées - Un coût de 48,7 millions de DH par rame