Le premier et principal syndicat au Maroc, l'Union marocaine du travail (UMT), a confirmé sa position d'adversaire irréductible au PJD, en appelant ses membres, ses partisans et ses militants à ne pas voter pour lui aux élections législatives du 7 octobre, appelant toutefois à une participation au scrutin. La décision, prise à l'échelle élevée de la centrale syndicale, c'est-à-dire le Conseil national, a été annoncée jeudi 22 septembre par un communiqué détaillé en trois axes : économique et social ; politique ; syndical enfin. La décision, sans précédent, traduit aussi – et ce n'est pas le moindre aspect – une volonté des dirigeants de l'UMT de s'impliquer fortement dans l'action politique, ne se laissant plus se confiner dans la seule sphère syndicale. La centrale syndicale que dirige Miloudi El Moukharik se transforme ainsi en un pôle d'opposition politique avec ses milliers d'adhérents, ses cadres nationaux, régionaux, locaux , ses retraités, ses jeunes et ses femmes...Les interrogations qui ont fusé de partout sur cette option de sanction contre le PJD, exprimées au sein des états-majors des partis notamment, débouchent de toute évidence sur le même constat : le gouvernement Benkirane, mais surtout le parti qu'il dirige ont trahi les travailleurs en faisant adopter, quasiment au forceps et sans concertation la réforme des retraites qui avait fait l'objet d'un inépuisable débat marathonien, suscité une mobilisation permanente de l'UMT, de la CDT et de la FDT, des mois durant pour enfin finir comme une queue de poisson à la Chambre des représentants, votée à la hâte, quasiment en catimini avec le soutien de l'Istiqlal et son syndicat l'UGTM. Ce qui ne manquait pas de nous édifier sur les méthodes « autoritaristes » d'un parti majoritaire, lancé dans une fuite en avant et mettant au boisseau la règle sacrée du dialogue social. Les syndicats et l'UMT à leur tête, on s'en souvient il y a deux ans, avaient soumis la question des retraites au CESE et constamment dénoncé « l'autoritarisme gouvernemental » et la volonté de « monopoliser » l'initiative de la réforme sur les retraites, vivement recommandée par la Cour des comptes et imposée par l'évolution économique et sociale du Maroc. Le chef du gouvernement n'en avait cure, il a tout fait selon eux pour faire passer sa réforme des 63 ans, comme il a également essayé d'imposer sa propre vision sur le droit de grève, pourtant bien libellé comme sur un marbre dans la Constitution. De cette rupture, bien consommée, mal digérée, est né un ressentiment, voire une frustration de ce que le gouvernement et son parti principal, le PJD, ont non seulement floué les citoyens, mais brisé un élan de modernisation dans les rapports entre les partenaires sociaux et le gouvernement. Et par-là enterré le dialogue social qui est à la stabilité du pays ce que le socle est à la démocratie. Pour l'UMT, Abdelilah Benkirane, placé à présent dans l'œil du cyclone, doit être combattu politiquement parce qu'il a transgressé la règle de bonne conduite et pis, il a crée les conditions d'appauvrissement des populations, avec une courbe haussière des prix et une baisse constante du pouvoir d'achat des populations , la dégradation continue de leurs conditions de vie et une atteinte à leur dignité. « N'oublions pas le peuple », disait comme une dérision le chef du PJD. Ironie ou cynisme ? C'est qui a sacrifié sut l'autel de la démagogie le pacte social.... Ces objections ne tombent pas du ciel, l'UMT les formule depuis des années maintenant. Tant et si bien que sa volonté d'en découdre avec les islamistes semble se réorienter désormais sur un terrain politique, une nécessaire présence dans le cadre de ce que ses dirigeants appellent « la démocratie participative ». La centrale syndicale n'en reste pas là, en effet, sa Commission parlementaire est déjà à pied d'œuvre pour dresser le bilan des échecs du gouvernement et de la majorité sortante. Elle va passer au crible les programmes des uns et des autres, et se prononcera en fonction des critères de respect des intérêts des citoyens. L'UMT, mobilisant plus que jamais son potentiel humain, selon ses dirigeants, continuera son combat pour abroger la « criminelle loi sur les retraites », votée par un vol caractérisé des travailleurs et par une trahison de l'UGTM.