La nouvelle est tombée un mardi 1er mai, jour férié, comme un couperet. Si elle étonne par sa brutalité et son effet spectaculaire, elle est en revanche fort justifiée. Elle s'inscrit à coup sûr dans le contexte régional et international de ces derniers mois et, en particulier, dans cette relation complexe, en dents de scie entre le Royaume du Maroc et la République islamique d'Iran. Depuis la prise du pouvoir en 1979 par l'Ayatollah Khomeiny et l'instauration à Téhéran de l'ordre islamique, consolidé ensuite par ses successeurs, les relations entre Rabat et Téhéran n'ont jamais été au « beau fixe ». Elles ont reflété davantage l'ambiguïté qu'une clarté contrite, obéissant au principe de Realpolitik que les deux pays ont inscrit de facto sur leur fronton : mi-figue, mi-raisin, vigilance à toute épreuve, en tout cas une prudence soupçonneuse. « Je viens de rentrer de Téhéran où j'ai rencontré mon homologue, le ministre des Affaires étrangères de l'Iran, Jawad Darif. Je l'ai informé de la décision du Royaume du Maroc de rompre ses relations diplomatiques avec la République islamique d'Iran...L'ambassadeur de S.M. le Roi à Téhéran ( Hassan Hami) a quitté ce jour l'Iran et je vais demander au chargé d'affaires de l'Iran à Rabat de quitter le Royaume du Maroc sans délai ». Et le ministre des Affaires étrangères et de la coopération internationale d'ajouter : « Cette décision est le résultat de ce que nous avons découvert, à savoir l'implication confirmée à travers le Hizbollah qui a noué une alliance militaire avec le polisario contre la sécurité nationale et les intérêts supérieurs du Royaume du Maroc ». L'Iran des islamistes a proclamé dès le départ son soutien au polisario et cette décision, fût-elle au plus fort de la « normalisation » entre de nos deux pays, n'a jamais dérogé des intentions de ses dirigeants. Le Maroc détient plus qu'une preuve de cette implication , « des noms identifiés, des activités hostiles qui corroborent cette alliance contre le Maroc », a indiqué Nasser Bourita. Aujourd'hui, plus que jamaisla rupture proclamée par le Maroc traduit un agacement de cette exaspérante ambivalence diplomatique iranienne ; son double jeu est de ce fait dénoncé. Comment le gouvernement iranien peut-il défendre mordicus le principe d'intégrité territoriale de la Syrie, tout mettre en œuvre, armements, finances, troupes militaires et milices islamistes, s'allier avec le « diable » pour maintenir la cohésion du pouvoir de Bachar al-Assad et contester la même légitimité au Royaume du Maroc ? La même question se pose avec la non moins pertinence dès lors qu'il s'agit de l'Arabie saoudite et, au-delà, du Yémen ! La première reçoit depuis quelques mois un déluge de missiles prétendument lancées par les Houtis mais qui, de toute évidence, sont de provenance iranienne ! On n'hésite nullement de donner raison à ceux qui, arguments à l'appui, estiment que l'Iran mène une guerre par procuration à l'Arabie saoudite et aux Etats du Golfe, hormis le Qatar devenu l'allié objectif d'une alliance diabolique incarnée par la Russie, l'Iran, la Syrie ...Quelques uns , ils sont légion, mettront en parallèle ou en adéquation la diplomatie de Donald Trump qui veut en découdre avec l'Iran, notamment avec la dénonciation officielle le 12 mai prochain de l'Accord nucléaire signé en 2015 par Barack Obama ! Il n'hésiteront guère à voir dans la décision du Maroc de rompre ses relations diplomatiques avec l'Iran, comme l'adjuvent ou l'alignement sur la politique américaine, voire la main de Trump...Il n'en est rien, d'autant plus que les preuves irréfutables sont présentées au chargé d'affaires iranien à Rabat de l'implication de son pays, du rôle joué par le Hizbollah dans le soutien militaire, financier et politique au polisario, des projets criminels fomentés contre le Maroc et ses institutions, nécessitant en somme une mise en ordre et une décision unilatérale du Maroc pour défendre sa stabilité. Il convient de souligner que cette rupture n'est pas la première du genre, le Maroc faisant régulièrement preuve de bonne foi envers un Iran qui n'a pas hésité par le passé à soutenir en cape des groupuscules chîites en pleine manœuvre de propagation de leur rite, d'agression ouverte contre des Etats arabes alliés du Golfe comme Bahrein avec lesquels le Maroc est solidaire. Le Hizbollah, considéré comme le bras armé de l'Iran au Moyen Orient, exécute à la lettre la stratégie du pouvoir iranien dont le jeu de puissance – nucléaire – constitue une menace réelle pour les Etats et les peuples arabes de la région. Le Maghreb, déjà fragilisé par la politique suicidaire du gouvernement algérien, n'échappe guère à la vision stratégique de Téhéran qui nourrit des ambitions militaires impériales, une déstabilisation importée et dont le polisario constitue le maillon d'une chaîne avérée.