La capitale française se réveille sous tension à l'orée d'un sommet européen exceptionnel, convoqué en urgence par le président Emmanuel Macron, afin de définir la réponse commune à l'initiative diplomatique de Donald Trump vis-à-vis de la Russie et de l'Ukraine. Pour l'Europe l'affaire est claire, comment empêcher un règlement du conflit russo-ukrainien uniquement dicté par les intérêts de Washington et de Moscou. Il y a encore quelques mois, peu d'analystes auraient imaginé le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche. Pourtant, ce scénario s'est brusquement concrétisé lors de la dernière Conférence de Munich sur la sécurité, où son vice-président, J.D. Vance, a prononcé un discours remettant en cause les fondements mêmes de l'Alliance atlantique. Accusant son prédécesseur, Joe Biden, d'avoir « précipité l'Ukraine dans un conflit évitable », l'administration de Trump plaide désormais pour une approche plus directe avec la Russie. Son objectif avoué : imposer une « Pax Americana » qui mettrait rapidement un terme aux hostilités, quitte à contourner l'Union européenne et à négocier uniquement avec Moscou. Ces déclarations ont provoqué une onde de choc à travers le Vieux Continent. Les Européens, dont beaucoup se sentent marginalisés par cette diplomatie américaine unilatérale, dénoncent un accord russo-américain passé dans leur dos. Pour autant, l'Union peine à afficher une position unie, tant les divergences internes se sont accentuées depuis le début de la guerre en Ukraine. Un mini-sommet à Paris sous haute tension C'est dans ce contexte que s'ouvre, ce lundi, le mini-sommet de Paris. Emmanuel Macron, souhaitant à la fois préserver l'unité européenne et conserver un canal de discussion avec Washington, y a convié plusieurs chefs d'Etat et de gouvernement. L'incertitude plane toutefois sur le format exact de ce rendez-vous. La Pologne, qui a d'ores et déjà confirmé sa présence, insiste sur la nécessité d'une fermeté sans faille face à la Russie et se dit très préoccupée par la volte-face américaine. Le nouveau Premier ministre britannique, Keir Starmer, doit également faire le déplacement. Lire aussi : Trump et Poutine s'accordent à entamer "immédiatement" des pourparlers de paix sur l'Ukraine Cependant, ce sommet restreint soulève déjà des critiques. Des pays d'Europe centrale, dont la Tchéquie et la Roumanie, se sentent relégués au second plan alors qu'ils ont été parmi les plus ardents soutiens de l'Ukraine. Leur exclusion de la table de négociation leur semble d'autant plus injuste que leur proximité géographique avec le conflit leur confère un rôle stratégique majeur. De son côté, le ministre hongrois des Affaires étrangères a qualifié ce rendez-vous parisien de « réunion des partisans de la guerre », accusant l'Ouest européen d'avoir exacerbé le conflit en multipliant les livraisons d'armes à Kiev. En parallèle, une délégation américaine doit rencontrer, dès mardi en Arabie saoudite, Kirill Dmitriev, président du fonds souverain russe et ancien banquier de Goldman Sachs. Selon plusieurs sources diplomatiques, cette rencontre est censée « renforcer les relations et la coopération économique » entre Moscou et Washington. Kirill Dmitriev avait déjà joué un rôle déterminant dans les négociations de l'OPEC+ et les premiers échanges entre l'équipe Trump et la Russie, dès 2016. Les observateurs y voient le signe manifeste qu'un accord est en train de se dessiner, notamment sur des questions cruciales comme l'exportation de pétrole ou l'accès aux terres rares, éléments stratégiques dans l'industrie de haute technologie. Le secrétaire d'Etat Marco Rubio, le conseiller à la sécurité nationale Mike Waltz et l'envoyé spécial pour le Moyen-Orient Steve Witkoff doivent également participer à ces tractations, qui prépareront le prochain sommet Trump-Poutine en Arabie saoudite. Cette démarche américaine tend à conforter l'impression, en Europe, que la Maison-Blanche cherche à isoler l'UE des discussions cruciales pour la fin du conflit, tout en sécurisant ses propres intérêts économiques et énergétiques. La position allemande, traditionnel pilier de l'Union européenne, se retrouve particulièrement fragilisée. Le chancelier Olaf Scholz, déjà affaibli sur le plan intérieur, a qualifié la proposition de « paix dictatoriale » et appelé à déclarer un état d'urgence en Allemagne pour renforcer l'effort de guerre. Son entretien avorté avec J.D. Vance lors de la Conférence de Munich a illustré l'hostilité réciproque entre Berlin et la nouvelle administration américaine. Le vice-président Vance n'a pas hésité à remettre en question l'avenir politique d'Olaf Scholz, déclarant que ce dernier « perdrait son poste lors des prochaines élections ». Dans une Europe déjà inquiète face à la crise énergétique, les critiques acerbes de Washington font craindre un éclatement au sein de l'Union, certains pays se sentant tentés de négocier de manière bilatérale avec l'administration Trump pour sécuriser leur approvisionnement en gaz. Pour de nombreux dirigeants européens, l'entretien téléphonique récent entre Donald Trump et Vladimir Poutine sonne comme une « trahison ». Après avoir suivi la politique de sanctions et la rupture quasi-totale des liens commerciaux avec Moscou sous l'impulsion de Joe Biden, l'UE se retrouve confrontée à une Amérique reprenant langue avec la Russie sans la moindre consultation. Dans le même temps, le continent continue de payer son gaz à un prix quatre fois supérieur à celui d'avant-guerre, aggravant une crise économique déjà lourde de conséquences. La révélation selon laquelle, malgré les milliards investis dans la défense de l'Ukraine, l'UE serait tenue à l'écart des bénéfices issus des terres rares, fait office de coup de grâce. Cet accord passé en seulement 90 minutes entre Trump et Poutine — selon des sources proches de la présidence américaine — priverait l'industrie européenne d'une ressource vitale, tandis que Washington et Moscou entendraient se partager la manne financière résultant du monopole sur ces métaux stratégiques.