Un rapport publié par le Conseil de la concurrence a mis en lumière des irrégularités préoccupantes affectant le marché des aliments pour volailles au Maroc. Cette enquête approfondie dévoile une série de pratiques anticoncurrentielles et de déséquilibres structurels qui pèsent lourdement sur le secteur avicole, amplifiant les coûts pour les éleveurs et limitant les opportunités pour les petites entreprises. Selon le rapport, huit entreprises détiennent à elles seules 75 % du marché des aliments pour volailles, conférant à ce groupe une position dominante qui étouffe la concurrence. Cette concentration du marché réduit la capacité des petites entreprises à se positionner et freine les innovations nécessaires pour dynamiser la filière. Ce phénomène s'accompagne d'une dépendance marquée des producteurs de poussins envers des fournisseurs intégrés à des groupes industriels. En effet, bon nombre d'éleveurs se retrouvent contraints d'acheter leurs aliments à des filiales des sociétés mères de ces fournisseurs. Une telle configuration limite considérablement les choix des producteurs, érodant leur pouvoir de négociation et accentuant leur vulnérabilité. Entre 2018 et 2024, le marché des aliments pour volailles a connu des augmentations successives des prix, justifiées par la hausse des coûts des matières premières sur le marché international. Cependant, le Conseil note une convergence troublante dans les stratégies tarifaires des principales entreprises. Bien que les ajustements aient varié en intensité, leur synchronisation laisse supposer l'existence de contraintes communes liées à la chaîne d'approvisionnement. Cette situation a engendré un effet domino sur l'ensemble de la filière. Les agriculteurs, en particulier les petits exploitants, peinent à absorber ces augmentations, ce qui les pousse à opter pour des aliments de moindre qualité et à réduire leur productivité. Ce cercle vicieux fragilise davantage une filière déjà confrontée à d'importantes inefficacités structurelles. Un secteur désorganisé et fragmenté Le rapport critique également le manque d'organisation du secteur avicole. La majorité des acteurs opèrent de manière indépendante, ce qui limite la coopération et freine l'émergence de solutions collectives pour surmonter les défis communs. Cette fragmentation affaiblit l'ensemble de la chaîne de valeur, exacerbant les inefficiences et réduisant la compétitivité du secteur. À cela s'ajoute l'obsolescence des équipements utilisés par de nombreux agriculteurs, combinée à un manque de capital. Ces faiblesses structurelles rendent les éleveurs incapables de négocier efficacement les prix des aliments ou d'investir dans des technologies améliorant leur productivité. Lire aussi : Les banques marocaines partent à la conquête de l'Afrique de l'Ouest Bien que le Maroc bénéficie d'accords tarifaires avantageux avec l'Union européenne, le pays reste fortement dépendant des importations de matières premières et d'additifs pour la fabrication des aliments pour volailles. Cette dépendance limite la diversification du marché et entrave l'émergence d'une concurrence internationale, accentuant encore davantage la concentration du marché local. Face à ces constats, le Conseil de la concurrence appelle à des réformes structurelles ambitieuses. Parmi les mesures préconisées : favoriser une concurrence accrue, renforcer l'organisation sectorielle, soutenir financièrement les petits exploitants et diversifier les sources d'approvisionnement. La mise en œuvre de ces recommandations pourrait transformer la filière avicole marocaine, en la rendant plus équitable et compétitive. En résolvant les problèmes systémiques identifiés, le Maroc aurait l'opportunité de développer un secteur avicole capable de répondre aux besoins croissants du marché tout en garantissant des prix accessibles et des marges équitables pour les différents acteurs. En attendant, le rapport du Conseil de la concurrence constitue une alerte précieuse pour les décideurs politiques et les acteurs du secteur, les invitant à agir rapidement pour éviter que ces déséquilibres ne s'aggravent davantage. La filière avicole, essentielle pour l'économie et la sécurité alimentaire du pays, mérite une attention soutenue et des réformes profondes pour surmonter ses défis actuels.