La décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de mettre un terme à l'accord de pêche entre l'UE et le Maroc continue de faire des vagues à Bruxelles. Juste après la décision, la Commission européenne s'est retrouvée sur le qui-vive, face à plusieurs équations: concilier les exigences du droit, les intérêts économiques des Etats membres et la stabilité géopolitique d'une région sensible. Un haut responsable de l'UE, sous couvert d'anonymat, a qualifié la décision de la CJUE d'« abus de pouvoir », accusant la Cour de s'immiscer dans la diplomatie européenne en utilisant un cas particulier pour influencer la politique étrangère de l'UE, un rôle normalement dévolu au Conseil. « On dirait que la Cour a voulu jouer au gendarme, mais sans l'uniforme ni la permission ! », confie le diplomate au média français Le Point. Le Point a, dans son article, révélé le malaise au sein de l'exécutif européen. La réunion de la Commission pêche du Parlement européen le 17 octobre a ressemblé à une scène de théâtre où les tensions étaient palpables. Le représentant de la Commission von der Leyen a prôné la patience, affirmant que « la Commission étudie la situation pour en délimiter les conséquences ». Une prudence qui n'a pas convaincu certains élus européens, qui réclamaient une réaction plus rapide. Ce décalage entre la prudence de la Commission et l'urgence ressentie par les régions concernées, notamment en Espagne, est criant. L'Espagne, qui comptait sur cet accord pour 93 de ses navires de pêche, se retrouve dans une situation délicate, la région de Cadix en particulier. Lire aussi : Accords agricole et de pêche: Le Maroc ne se considère aucunement concerné par la décision de la CJUE L'ombre de la Russie plane également sur cette crise. Le Point a fait remarquer que l'accord de pêche entre le Maroc et la Russie, qui avait expiré en septembre, a été prolongé immédiatement après la décision de la CJUE, autorisant les navires russes à pêcher dans les eaux marocaines. Un geste qui renforce l'urgence pour l'Union européenne de se repositionner afin de maintenir une relation stable avec le Maroc, tout en respectant les décisions de la CJUE. Une partie d'échecs géopolitique où l'UE doit trouver le bon coup pour ne pas se retrouver en position de faiblesse. La France, pour sa part, a choisi la voie de la conciliation. Dans un communiqué, le ministère des Affaires étrangères a pris acte des décisions de la CJUE tout en réaffirmant son désir de maintenir un partenariat privilégié avec le Maroc. La visite du président Emmanuel Macron à Rabat, prévue du 28 au 30 octobre, arrive à point nommé pour clarifier les positions et renforcer les liens bilatéraux dans ce contexte tendu. Un geste diplomatique pour apaiser les tensions et éviter une escalade. La CJUE, en se référant au Sahara, a insisté sur son statut distinct et la nécessité de respecter le principe d'autodétermination. Cependant, la Cour a laissé une porte ouverte à un consentement implicite, à condition que l'accord entre l'UE et le Maroc n'impose aucune obligation au peuple sahraoui et lui offre des avantages tangibles. Une interprétation qui laisse la Commission européenne choisir entre les exigences légales et les réalités géopolitiques. Face à cette situation complexe, plusieurs voix au Parlement européen s'interrogent sur les plans de la Commission. Le député néerlandais Peter van Dalen, membre du groupe souverainiste CRE, s'est demandé s'il existait une alternative crédible pour contourner ce blocage juridique. Les Verts, quant à eux, ont exigé de savoir comment la Commission envisageait de consulter le peuple sahraoui pour se conformer à la décision de la CJUE. Une situation qui oblige la Commission à se montrer transparente et à trouver une solution qui satisfasse toutes les parties.