Par Luís Filipe Tavares, Ancien ministre des Affaires étrangères et ancien ministre de la défense du Cap-Vert Cet article répond à un défi qui m'a été lancé par mon amie Souad Mekkaoui, co-fondatrice et directrice générale de Maroc Diplomatique, lors de la 3ème édition du Forum MD Sahara des 10 et 11 mai derniers, qui a eu lieu dans la belle ville de Rabat. D'emblée, je tiens à la féliciter, ainsi que son associé M. Hassan Alaoui et leur merveilleuse équipe de professionnels dévoués, pour le grand succès qu'a représenté ce rendez-vous diplomatique de niveau international. Le Maroc, pays plus que millénaire, a toujours œuvré pour le respect de la souveraineté des Etats africains et la promotion de la paix comme condition sine qua non du développement des peuples et de ce grand et beau continent. Il considère l'Afrique Atlantique, région dans laquelle il s'insère aussi de par son histoire et sa géographie, comme son partenaire essentiel, à la fois sur le plan politique et économique. Sur le plan politique, le Maroc reconnaît l'importance de renforcer ses liens avec ses voisins littoraux au Sud du Sahara pour promouvoir la stabilité régionale, la sécurité et la coopération dans des domaines d'intérêt mutuel tels que la lutte contre le terrorisme, la gestion des flux migratoires dans le respect des droits humains, les défis posés par le changement climatique et la transition énergétique. Sur le plan économique, le Maroc voit l'Afrique atlantique comme une région riche par sa culture et sa diversité et un marché en plein essor avec un potentiel de croissance démographique considérable (plus de 450 millions d'habitants, ce qui veut dire 46% de la population africaine, générant 55% du PIB du continent ). C'est ainsi que le Royaume s'est engagé et s'engage à développer des partenariats économiques solides avec les pays voisins de l'Atlantique, basés sur le commerce, les investissements durables, la recherche scientifique et l'innovation, ainsi que sur le transfert de compétences. Le Maroc cherche à promouvoir la diversification économique, le développement des infrastructures et la création d'emplois à travers des projets d'envergure visant à stimuler le commerce intra-africain et à favoriser l'intégration économique régionale, telle que préconisée par la Zone de Libre Echange Continentale Africaine, connue sous l'acronyme ZLECAF. Le Maroc peut et doit, par cette coopération Sud-Sud, aider ses frères africains à se développer en mettant en avant son expertise dans des domaines tels que l'agriculture, les énergies renouvelables, la finance et les technologies de l'information et de la communication. En favorisant les échanges culturels, éducatifs et scientifiques, le Maroc contribue à bâtir des relations durables avec les pays subsahariens en général et les pays de la façade atlantique africaine en particulier, et ce dans le respect de la souveraineté et des spécificités et aspirations de chaque nation. C'est dans un contexte géopolitique de fortes tensions régionales et mondiales (guerre en Europe, guerre au Proche-Orient et en Afrique de l'Est, instabilité politique croissante au Sahel…) que Sa Majesté le Roi Mohammed VI a lancé ce méga projet économique fédérateur, baptisé « Façade Atlantique". Ce projet se profile comme une réponse novatrice et ambitieuse aux défis de développement de 23 pays africains riverains de l'Atlantique. Cette vision transcende les frontières pour offrir à l'Afrique une opportunité sans précédent de devenir un acteur majeur sur la scène mondiale. Au cœur de cette initiative réside, entre autres, la région souvent marginalisée du Sahel, en proie à la pauvreté, à l'instabilité politique et aux défis sécuritaires majeurs. Cette belle initiative, accouplée au projet de gazoduc Nigeria-Maroc traversant 13 pays ouest-africains, prévoit la construction (déjà en cours) du grand port en eaux profondes de Dakhla-Atlantique et incarne une lueur d'espoir, une passerelle vers un avenir plus prometteur pour les pays sahéliens enclavés et les pays de la façade atlantique, offrant un potentiel de croissance économique et de connectivité régionale inégalé. Cette idée marocaine visionnaire va, je le crois, au-delà de son impact économique. Elle revêt également une dimension géopolitique et géostratégique fortes en renforçant les liens entre les pays riverains de l'Afrique Atlantique. En favorisant les échanges commerciaux et les partenariats stratégiques, elle contribue à la stabilité et à la coopération dans une région souvent marquée par les tensions historiques et politiques qui nuisent au développement régional et continental. Cette vision audacieuse a été rendue possible grâce au leadership éclairé de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, dont l'engagement indéfectible en faveur du bien-être commun des nations africaines a ouvert et ouvre la voie à une ère nouvelle de solidarité, de coopération et de prospérité partagée entre elles. Le travail diplomatique exemplaire et compétent du Ministre des Affaires Etrangères Nasser Bourita constitue un levier essentiel pour mobiliser l'adhésion des pays africains bordant l'Atlantique à ce méga projet. En conjuguant la vision du Souverain avec l'expertise diplomatique de son gouvernement, le Maroc érige un pont solide entre les aspirations de développement de l'Afrique et les opportunités offertes par la région atlantique. Cet engagement dans la promotion d'une coopération sud-sud dynamique mérite l'admiration et le soutien de la communauté africaine et de toute la communauté internationale. Il est donc urgent que tous les pays riverains de l'Afrique Atlantique embrassent avec détermination cette initiative pionnière. En unissant leurs efforts et leurs forces, ils pourront créer un avenir radieux pour le continent, fondé sur les valeurs de liberté, de démocratie, de solidarité, de progrès et de prospérité partagée. N'oublions pas que l'avenir du monde est en Afrique, sinon elle ne serait pas courtisée à longueur de journée par les grandes et moyennes puissances mondiales. L'Afrique, comme me l'a rappelé un ami colonel marocain, est devenue, à son corps défendant, "un continent polygame" vis-à-vis de ces puissances mondiales. Toutefois, il faut que le monde entier prenne conscience que les données ont changé et que la jeunesse africaine instruite et cultivée et les populations s'accommodent de moins en moins du pillage des ressources minières et minérales de l'Afrique et veulent avoir voix au chapitre et jouer un rôle de premier plan dans la construction de leur avenir et dans l'épanouissement du continent. À la lumière de la conjoncture géopolitique mondiale d'aujourd'hui, marquée par des transformations tous azimuts et l'imprévisibilité globale, l'Afrique ne peut compter que sur elle-même pour se développer. Cela va de sa crédibilité internationale et de sa survie en tant que continent. Personne, aucune nation, aucune organisation internationale ne nous remplacera, nous peuples africains, pour accomplir cette tâche! Mon pays, le Cap-Vert, comme cela a été déjà réaffirmé par notre gouvernement, est aux côtés du Maroc dans la concrétisation de cette initiative stratégique. En tant que pays africain insulaire situé en plein milieu de l'Atlantique, le Cap-Vert est pleinement conscient de l'importance cruciale de la sécurité maritime pour la stabilité régionale et internationale. Il comprend également que la connectivité transcontinentale constitue un pilier fondamental du développement économique et social des nations sœurs de la façade Atlantique. Je suis convaincu que la mise en œuvre de cette initiative « Façade Atlantique 2030 », telle qu'elle a été formulée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, va contribuer à renforcer non seulement les liens entre nos pays, mais aussi à promouvoir la paix, la sécurité et la stabilité dans toute la façade africaine de l'Atlantique. Que cette alliance de nations marque le début d'une ère de connexion, de coopération et de progrès sans précédent pour l'Afrique Atlantique, pour l'Afrique tout court et pour le monde dans son ensemble, assurant ainsi un avenir meilleur et prospère pour les générations actuelles et celles à venir!