Le 48e anniversaire de la Marche verte a été l'occasion pour le Souverain de décliner la feuille de route pour la création d'un espace « afro-atlantique ». Récemment, lors d'un symposium du Policy Center, les élites des 23 pays se sont retrouvées à Rabat pour discuter de ce chantier... Est-ce un laboratoire pour une doctrine économique africaine commune ? « La façade atlantique de l'Afrique réunit dans un espace géopolitique en construction les principaux atouts et défis du continent africain », commente une note du Policy Center. En effet, les 23 pays riverains représentent 46 % de la population africaine, concentrent 55 % du PIB africain, réalisent 57 % du commerce continental et recèlent d'énormes ressources naturelles (24 milliards de barils de pétrole de réserves prouvées au large du golfe de Guinée). « La conjugaison de ces enjeux au comportement des Etats de la région semble fournir les premières composantes d'une identité stratégique « afro-atlantique », alertait depuis 2016 le Think tank. Le Maroc, dans sa diplomatie économique, a fait de cette question un sujet central. Le discours du souverain à l'occasion du 48e anniversaire de la « marche verte » en témoigne la teneur. « Si, par sa façade méditerranéenne, le Maroc est solidement arrimé à l'Europe, son versant atlantique lui ouvre, quant à lui, un accès complet sur l'Afrique et une fenêtre sur l'espace américain », déclarait le souverain. L'enjeu, faire de cette façade atlantique « un haut lieu de communion humaine, un pôle d'intégration économique, un foyer de rayonnement continental et international ». Lire aussi | Futur port de Dakhla Atlantique. Le marocain Oumoujane Travaux et l'espagnol Viales remportent aussi des contrats Rappelons que le discours du 06 novembre a été le point de départ de l'Initiative Afrique Atlantique. Cinq leviers principaux sont actionnés : le levier de l'appropriation du projet par tous les pays africains riverains de l'Atlantique; le levier de la mutualisation des moyens et des ressources maritimes dont disposent ces pays; le levier de l'inclusion des pays du Sahel via leur désenclavement ; le levier de l'articulation qui vise l'arrimage de l'édifice de l'Afrique atlantique avec les autres initiatives adoptées au niveau continental et, enfin, le levier de l'opérationnalisation par la transformation de l'ambition africaine atlantique en des projets structurants et concrets. Point de départ d'une doctrine économique ? À l'heure où le monde et les espaces géoéconomiques se recomposent davantage, l'Afrique a plus que jamais besoin d'aller vers une politique économique des grands ensembles. Avec ces 60 % du PIB et son littoral à perte de vue, le projet Atlantique se veut être un ensemble économique aux bienfaits considérables pour les peuples. « Contre vents et marées, les pays de l'Afrique atlantique tentent de construire leur autonomie stratégique. Dans cette quête, la mer pourrait constituer la figure de proue, et ce, pour deux raisons : d'abord, la maîtrise de la mer permettra aux pays de la région d'asseoir leur souveraineté sur une bonne partie de leur territoire jadis ignorée, les espaces maritimes ; ensuite, l'exploitation intelligente des ressources marines pourrait constituer un inestimable vecteur de croissance et de développement. », souligne l'étude du Policy center. Lire aussi | Accès Atlantique. Burkina Faso, Mali, Niger et Tchad adhèrent à l'Initiative royale « Je pense que cette initiative constitue un excellent prélude à une intégration intra-africaine accrue, puisqu'elle peut être perçue comme un catalyseur d'émergence économique et d'inclusion de davantage de pays, notamment les pays du Sahel n'ayant pas l'opportunité d'une façade atlantique », nous confie Hicham Bensaid Alaoui, économiste, CEO d'Alliance Trade Maroc. « Ce que les pays africains sont venus chercher dans le cadre du forum du Policy Center et de l'OCP, c'est une manière de se lancer dans un grand débat de concertation. Les pays africains, quand ils se retrouvent, ils sont dans une posture d'acteur dans un grand laboratoire qui travaille dans l'élaboration d'une doctrine économique africaine commune dont le but est de construire une nouvelle offre africaine », explique pour sa part l'économiste Driss Aissaoui. Et de poursuivre : « le projet de l'initiative atlantique, c'est l'avenir. Plus d'une vingtaine de pays africains vont utiliser leur savoir et leur savoir-faire pour transmettre de la valeur et devenir des vecteurs de richesse et de développement ». L'espace atlantique en quelques chiffres * Un poids économique important de l'espace atlantique, avec une part dans le PIB mondial, s'élevant à près de 60 % en 2013 (Cf. Indicateurs de développement, Banque Mondiale). * Des échanges intra-régionaux dynamiques, notamment entre les pays de la rive nord de l'Atlantique (66 % entre les pays de la côte atlantique européenne, 49 % pour les Etats-Unis, le Canada et le Mexique). En revanche, le commerce Sud-Sud en Atlantique demeure faible, autour de 15 % sur la rive latino-américaine et de 9 % entre les pays de la façade atlantique africaine (Cf. Centre du Commerce International, 2014). * Une dotation importante de ressources naturelles stratégiques d'origine énergétique et minière, notamment dans l'Atlantique Sud. À titre d'illustration, le Golfe de Guinée représente 50 % de la production du pétrole africain et 10 % de la production mondiale, dont la quasi-totalité est destinée à l'exportation (Cf. BAD, 2013). * Une attractivité des investissements directs étrangers différenciée, avec 74 % des flux d'IDE entrants captés par les pays de la rive nord : Etats-Unis (31 %) et les pays européens riverains de l'Atlantique (43 %). Les pays africains riverains de l'Atlantique ne reçoivent que 4 % des flux d'IDE à destination de l'espace atlantique.