Depuis, la signature des accords entre le Maroc et Israël, plusieurs observateurs des questions maghrébines ne manquent pas à chaque occasion de présenter cela comme une source de tensions supplémentaires au niveau du Maghreb. Une vision rabâchée par la junte militaire en Algérie qui a trouvé là un « os à ronger » au plan interne et à servir à l'opinion publique maghrébine pour faire du Maroc ce « méchant voisin » qui s'allie aux « sionistes » pour déstabiliser l'Algérie et le Maghreb. Or, le Discours Royal du 29 Juillet dernier est venu une nouvelle fois rappeler que le Maroc n'a aucunement l'intention de menacer qui que ce soit, ni celle d'abandonner la juste cause palestinienne conformément à ses engagements traditionnels maintes fois réitérés. Les dirigeants algériens auraient tort de ne pas saisir l'occasion de la main royale à nouveau tendue pour plusieurs raisons. La première est que le monde évolue rapidement avec une imbrication d'intérêts de plus en plus forte entre les nations et les peuples. Les différentes crises vécues ces dernières années sont une source d'enseignements précieux à cet égard (crise sanitaire, conflit Ukraine-Russie, insécurité au Sahel...). Dans ce contexte, l'avantage géopolitique est en faveur de ceux qui sauront diversifier leur partenariat tout en restant attaché aux principes et valeurs définis par le droit international car « tout le monde aujourd'hui a besoin de tout le monde ». Un évènement qui se déroule à plusieurs milliers de kilomètres de nos frontières a désormais un impact avec plus ou moins de force au plan interne comme tout évènement malheureux qui peut surgir au niveau local à tout moment et toucher les populations. Par exemple, les effets tragiques des feux de forêt qui ont touché l'Algérie récemment auraient pu être atténués dans le cadre d'une coopération et une solidarité maghrébines. Lire aussi : AGR : le Maroc continue de bénéficier de la confiance des bailleurs de fonds étrangers D'autre part, il est aussi possible de voir dans les accords d'Abraham, sans pour autant être naïfs, une opportunité de faire avancer la paix au Moyen Orient. L'occasion en effet d'exprimer aux yeux du monde entier et surtout aux extrémistes de tous bords que la paix est possible entre arabes et juifs. Une démarche qui ne peut qu'être favorable à la cause palestinienne car elle déconstruit le discours israélien qui présente la perspective d'un Etat palestinien comme une menace existentielle pour Israël. En troisième lieu, les solutions militaires et celles misant sur les pressions internationales ont été jusqu'à maintenant infructueuses. Par conséquent, il convient de tenter de nouvelles voies qui permettent de générer des solutions issues du dialogue entre les deux peuples. C'est aussi le pari des accords d'Abraham. Un pari voué à l'échec ? Peut-être mais seulement à moitié car l'argument selon lequel les arabes ne veulent pas la paix est désormais inopérant. Le recul historique sur ce conflit sans fin a permis de faire le tri entre les dirigeants impuissants et inefficaces qui instrumentalisent la question palestinienne pour des raisons de politique interne et ceux qui ont l'audace d'essayer de nouveaux chemins vers de nouvelles solutions, tant le retour sur le passé semble, je crois, impossible. Ceci étant, la main tendue vers l'Algérie ne pourrait à mon avis rentrer dans ces calculs géopolitiques si ce n'est celle de servir d'abord les intérêts des peuples du Maghreb menacés avant tout, non pas par le Maroc ou Israël, mais plutôt par la mal gouvernance, les crises sociales et économiques, et j'en passe impliquant un gâchis d'opportunités manquées depuis près de trois générations. (*) Economiste et Essayiste