Tous les regards sont rivés en France vers le Conseil constitutionnel qui doit se prononcer, vendredi, sur la très controversée réforme des retraites et impopulaire projet du deuxième quinquennat du Président Emmanuel Macron. Une décision particulièrement attendue tant qu'elle conditionne l'évolution de la situation politique et sociale du pays dans les mois à venir. Le camp présidentiel comme l'opposition attendent beaucoup de cette institution, qui tranchera définitivement la question des retraites, à même de sortir de la crise déclenchée depuis plusieurs mois par ladite réforme adoptée via l'arme constitutionnelle 49.3, le 16 mars dernier. Chargés de se prononcer sur la constitutionnalité des textes de loi adoptés, les neufs Sages de l'instance savent judicieusement que cet avis sur la réforme, dont la mesure phare prévoit le recul de l'âge légal de départ de 62 à 64 ans, revêt une dimension historique, du fait des retombées sociales et politiques importantes qu'il produira. Au lendemain de l'adoption de la réforme devant l'Assemblée nationale (21 mars), ces spécialistes du droit ont, en effet, été saisis de quatre recours sur le texte : deux émanent des députés de l'opposition (l'un pour le Rassemblement national-extrême droite, l'autre pour la Nupes -gauche), un autre des sénateurs socialistes et une saisine « blanche » de la Première ministre. La gauche et le RN remettent en cause notamment l'utilisation – comme support de la loi – d'un texte rectificatif de financement de la Sécurité sociale pour refondre les retraites, et dénoncent l'usage des articles 44.3, 47.1, 49.3 de la Constitution pour accélérer les discussions à l'Assemblée et au Sénat. Assurément, le verdict des constitutionnalistes pourrait être déterminant pour la suite du parcours du texte largement décrié. Trois voies s'offrent à eux : La censure totale de la réforme, la censure partielle ou la validation du texte. Lire aussi : Retraites: des blocages et barrages routiers dans plusieurs villes de France D'après les experts, si jamais les Sages valident la réforme (rien trouvé à redire sur le fond du texte et sur les moyens législatifs utilisés pour le faire adopter), ils approfondiront encore davantage la crise sociale et politique et empêcheront aussi la reprise du dialogue social. S'ils ne la valident pas -ce que réclament les opposants au texte-, ils affaibliront le gouvernement au point que gouverner pourrait être quasi-impossible. Ainsi, la censure partielle (en invalidant certaines mesures), à laquelle s'attendent à la fois les partisans et les opposants de la réforme, serait un moindre mal pour le gouvernement, particulièrement si le Conseil constitutionnel valide sa mesure phare : le report de l'âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Parmi les pistes pour poursuivre l'opposition, en dépit de la décision du Conseil constitutionnel, celle du RIP (référendum d'initiative partagée), sur lequel les constitutionnalistes doivent aussi se prononcer vendredi et qui est dans tous les débats des opposants à la réforme depuis l'adoption de celle-ci. Dans le cadre de l'article 11 de la Constitution permettant l'organisation d'un RIP, 252 députés et sénateurs ont déposé le 20 mars dernier une proposition de loi sur les retraites visant à affirmer que l'âge légal de départ à la retraite ne peut être fixé au-delà de 62 ans. Le RIP permet l'organisation d'un référendum à l'initiative des parlementaires, à condition qu'il soit soutenu par un cinquième au moins des membres du Parlement (185 élus) et par un dixième des électeurs inscrits, soit environ 4,8 millions de personnes, dans un délai de neuf mois après l'approbation des Sages. Depuis son adoption, la réforme des retraites a provoqué une mobilisation sociale reconductible d'une ampleur majeure. De massives manifestations, émaillées d'heurts et incidents, ont eu lieu dans tout le pays sur plusieurs semaines pour lutter contre ladite réforme. Des perturbations et blocages dans plusieurs secteurs clés (transports, énergie, éducation…) ont également asphyxié l'Hexagone. Et pendant que les neuf sages de la rue Montpensier examineront la réforme, l'intersyndicale organise une douzième journée de grève et de manifestations ce jeudi– début de l'examen du texte par les membres du Conseil constitutionnel-, mais aussi une journée de mobilisation le 14, pour maintenir la pression sur l'Exécutif. Or passé cette date, difficile de prévoir la suite du mouvement social et le prochain appel des syndicats. Une chose est sûre, l'avis des Sages pèsera forcément sur les choix du gouvernement.