Macky Sall qui dirige le Sénégal depuis 2012, briguera-t-il un troisième mandat en 2024 ?, c'est la question que se posent actuellement les Sénégalais et des analystes qui suivent de près la situation dans ce pays qui jouit de la stabilité dans une région de l'Afrique de l'Ouest, secouée fortement par le phénomène du terrorisme et d'insécurité. A presque une année de la fin de son mandat, Macky Sall maintient toujours le flou sur son éventuelle candidature au scrutin présidentiel, qui a été fixé au 25 février 2024. Interrogé à plusieurs reprises sur ce sujet, le chef de l'Etat sénégalais continue de laisser planer le doute. Car si, à première vue, les textes sont clairs, tout dépend de la manière dont on les interprète. Le 3ème mandat est devenu le sujet le plus commenté par les hommes politiques et les médias au Sénégal et aussi par des parties étrangères, d'autant que Macky Sall a laissé dernièrement entendre qu'il a droit de se présenter à ce scrutin. Pour le dirigeant sénégalais, il s'agit d'un débat politique et non juridique, alors que ses adversaires crient et affirment qu'il n'a pas droit de briguer un 3-ème mandat, en vertu de la Constitution. « Sur le plan juridique, le débat est tranché depuis longtemps », martèle M. Macky Sall. Le dirigeant sénégalais se veut toutefois rassurant : « Ce débat, je le traiterai en temps voulu et les Sénégalais seront édifiés. Ce qui est sûr, c'est que je ne poserai jamais un acte qui soit antidémocratique ou anticonstitutionnel». Mais dans le même temps, l'actuel président semble considérer que pour pouvoir exercer pleinement son second mandat sans s'exposer à des perturbations politiques, il se doit de laisser planer le flou sur ses intentions : «Si je dis oui, je veux être candidat, le débat va enfler et on ne va plus travailler; donc il y aura de la matière pour les spécialistes de la manipulation et de l'agitation. Si je dis non, dans mon propre camp les gens ne travailleront plus non plus; tout le monde sera dans une dynamique de se préparer pour l'élection. Or moi, j'ai un mandat à exercer », avait-il justifié à des médias. Lire aussi : Sénégal: Macky Sall demande au gouvernement de prendre « toutes les mesures idoines » pour « préserver l'ordre public » dans le pays Interpellé tout récemment sur cette question par le journal français »L'Express », Macky Sall, élu en 2012 et réélu en 2019, a, tout en affirmant qu'il a le droit de se présenter à la présidentielle de 2024, fait valoir que seuls des facteurs politiques et non pas constitutionnels l'empêcheraient de se présenter, quoi qu'en disent ses adversaires. Il n'a pourtant dit ni oui, ni non, laissant la voie libre aux commentaires des analystes. Dans cette interview à « L'Express », le président Macky Sall reste sur sa ligne. Sera-t-il candidat à sa succession en 2024 ? , il répondait: «J'ai un agenda, un travail à faire». «Le moment venu, je ferai savoir ma position, d'abord à mes partisans, ensuite à la population sénégalaise», dit-il au média français. La Constitution sénégalaise, après la révision de 2016, prévoit que la durée du mandat présidentiel est de cinq ans, et non plus sept, et que « nul ne peut exercer plus de deux mandats consécutifs ». Cependant, M. Macky Sall fait savoir dans cet entretien accordé au support français que quand le Conseil constitutionnel avait été consulté avant la révision, ce dernier avait estimé que son premier mandat était « hors de portée » de la réforme. « Sur le plan juridique, le débat est tranché depuis longtemps », explique-t-il. « Maintenant, dois-je me porter candidat pour un troisième mandat ou non ? C'est un débat politique, je l'admets », soutient-il. Ces dernières semaines, des responsables de la coalition au pouvoir ont multiplié les appels à ce qu'ils qualifient de «second quinquennat» du chef de l'Etat qui s'était publiquement engagé en 2019 à se limiter à deux mandats. «Je ne me dédis pas», répondait Macky à « L'Express », en parlant de «conviction du moment». «Celle-ci peut évoluer et les circonstances peuvent m'amener à changer de position», justifie-il. Profitant de cette incertitude, les leaders de l'opposition au Sénégal, en premier lieu l'actuel Maire de Ziguinchor (Casamance, sud), Ousmane Sonko, mis en cause dans deux procès, a déjà affiché ses ambitions et annoncé sa candidature pour la prochaine Présidentielle du 25 février 2024. L'opposition regroupée au sein de la coalition Yewwi Askan Wi (Libérons le peuple en wolof) a déjà commencé à mobiliser la rue en profitant surtout du déroulement du procès en « diffamation », en cours devant le tribunal correctionnel de Dakar opposant le ministre sénégalais du Tourisme et des Loisirs, Mame Mbaye Niang, au leader de Pastef (Patriotes du Sénégal pour le travail, l'éthique et la fraternité), Ousmane Sonko. L'audience avait été renvoyée par le juge du tribunal correctionnel de Dakar, au 30 mars 2023 en audience spéciale. Pour exercer une pression sur le régime, les leaders de l'opposition ont annoncé des marches pacifiques le 29 mars à Dakar, le 30 mars, jour du procès de Sonko et le 3 avril sur toute l'étendue du territoire national. La préfecture de Dakar a décidé d'interdire ces deux manifestations invoquant des raisons de « menaces réelles de troubles à l'ordre public » et d' »entrave à la libre circulation des personnes et des biens ». Sonko et ses partisans accusent le pouvoir en place « d'instrumentaliser la justice pour l'éliminer politiquement », et notamment de l'empêcher de se présenter à l'élection présidentielle de 2024. Les textes en vigueur prévoient une radiation des listes électorales et donc une inéligibilité, dans certains cas de condamnation de Sonko. Le camp présidentiel accuse, de son côté, Ousmane Sonko, également inculpé dans une affaire de « viols présumés » sur une femme, de se servir de la rue pour échapper à la justice. Devant cette situation, plus de 100 intellectuels dont des écrivains, des chercheurs et des journalistes sénégalais et étrangers ont publié récemment une tribune dans laquelle ils appellent les autorités à « revenir à la raison ». Le Sénégal vit « une continuelle escalade répressive qui préfigure de lendemains incertains », écrivent-ils. Ils demandent au président Macky Sall de « prendre des mesures immédiates pour assurer la paix sociale et s'éloigner de toutes les remises en cause de l'indépendance du pouvoir judiciaire ». Réagissant à cette tribune, le ministère sénégalais de la justice a affirmé que l'Etat du Sénégal est ''très attaché à la protection des droits de l'homme et de l'Etat de droit''. Les auteurs de cette tribune estiment qu »'une menace réelle pèse sur la stabilité et la paix sociale du pays'' et exhortent les autorités sénégalaises à ''revenir à la raison ». »Très attaché à la protection des droits de l'homme et de l'Etat de droit et œuvrant pour la promotion des droits et libertés telles que la liberté d'expression et la liberté de manifestation, le Sénégal veille constamment à leur respect dans le cadre des lois et règlements en vigueur'', soulignait le ministère de la Justice. ''L'Etat du Sénégal garantit une justice au service de la protection des droits des citoyens. Il est inacceptable de vouloir caricaturer la justice au gré des situations politiques conjoncturelles'', ajoute le ministère sénégalais qui a dénoncé des ''affirmations gratuites'' en réponse à la tribune invitant les Sénégalais à ''prendre la défense des valeurs fondamentales de l'Etat de droit'' dans leur pays. Il souligne que ''les faits dénoncés ne reflètent pas la réalité et tentent de jeter le discrédit sur le fonctionnement du service public de la justice''. Pour sa part, le Collectif des organisations de la société civile pour les élections (COSCE) a appelé, lundi, les acteurs politiques à l'apaisement afin de préserver la démocratie, la paix et la cohésion sociale. ''Le COSCE appelle à l'apaisement et interpelle les acteurs politiques au sens de responsabilité pour préserver la démocratie, la paix et la cohésion sociale'', a dit Alassane Seck, président de la ligue sénégalaise des droits humains. Le COSCE exhorte les acteurs politiques ''à se retrouver autour d'une table pour renouer le fil du dialogue afin de créer les conditions d'une présidentielles crédible et apaisée en 2024'', a ajouté Alassane Seck. Ce n'est pas la première fois que le débat sur le 3ème mandat est soulevé au Sénégal cité comme une démocratie exemplaire à l'échelle africaine. Au cours des prochaines semaines ou des prochains mois, les Sénégalais seront édifiés certes sur les intentions de leur dirigeant au sujet de ce troisième mandat. «Le moment venu, je ferai savoir ma position, d'abord à mes partisans, ensuite à la population sénégalaise», répétait ainsi Macky Sall aux journalistes. Avec MAP