La dissolution de la Ligue algérienne des droits de l'homme illustre "l'escalade répressive du régime" en Algérie, où le pouvoir "s'emploie à éliminer les noyaux résiduels du Hirak de 2019", le mouvement de protestation qui avait mobilisé des centaines de milliers de personnes en 2019 et 2020 en faveur d'un "Etat civil et non militaire", écrit, jeudi, le quotidien français "Le Monde". Autour de trois cents prisonniers d'opinion sont désormais sous les verrous et des dizaines de militants prodémocratie ont été convoqués par la police pour se voir signifier interdiction de sortie du territoire et retrait de passeport, relève le journal. Outre la Ligue, des structures-phares du combat démocratique en Algérie, telles que le Rassemblement actions jeunesse (RAJ) ou l'association SOS Bab-El-Oued, ont été dissoutes, rappelle encore le média français, ajoutant que fin décembre, c'était au tour de l'agence Interfaces Médias, pôle regroupant Radio M et le magazine Maghreb émergent, d'être fermée et mise sous scellés, son journaliste fondateur Ihsane El-Kadi étant de son côté arrêté. »La dégradation de la situation des droits humains en Algérie est plus que jamais préoccupante », ont condamné le 27 janvier dans un communiqué commun la Ligue (française) des droits de l'homme (LDH), la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) et l'Organisation mondiale contre la torture (OMCT), note Le Monde. Lire aussi : Algérie: Détenus d'opinion maltraités, une avocate tire la sonnette d'alarme »La logique répressive du régime a décimé toute expression authentique en Algérie, toute initiative qui lui échappe est désormais suspecte à ses yeux », selon Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH), cité par le journal. Ce dernier, ajoute Le Monde, a dû fuir en juin Alger pour "échapper à l'étau qui se resserrait implacablement autour de lui", soulignant que c'est de son refuge belge qu'il a appris, incrédule, la dissolution de la Ligue sous la forme d'un document diffusé le 20 janvier sur les réseaux sociaux. Née en 1985 et ayant survécu à toutes les convulsions politiques du pays, y compris la »décennie noire » des années 1990, cette organisation "emblématique" de la société civile est devenue "la cible privilégiée des tenants de la restauration autoritaire en cours en Algérie", relève le média français. Le texte découvert sur les réseaux sociaux rapportait un arrêt du tribunal administratif d'Alger rendu le 29 juin 2022 – soit près de six mois auparavant – et dont la Ligue n'avait alors nullement été informée. Il lui a fallu quarante-huit heures pour authentifier le jugement. Le 22 janvier, la Ligue annonçait officiellement qu'elle avait bel et bien cessé d'exister juridiquement, dénonçant l' »acharnement continu » la visant par le biais de ce jugement »d'une extrême gravité », précise la publication. "Et, comme par hasard, les bureaux de la Ligue à Bejaïa et à Tizi Ouzou, parmi les plus actifs en Algérie, étaient mis sous scellés dès le lendemain", note Le Monde, qui estime que l'épisode marque une "nouvelle étape dans l'escalade répressive à laquelle se livre le régime afin de liquider les noyaux résiduels du Hirak", Parmi les accusations formulées contre la Ligue dans le jugement du tribunal, la mise en cause de ses liens avec des organisations étrangères, telles que la FIDH, EuroMed Droits ou la Coordination maghrébine des organisations des droits humains, qualifiées dans le jugement d'organisations »prosionistes » et »promarocaines ». Un concentré de »la paranoïa », selon le mot de M. Salhi, en vogue au sommet du pouvoir algérien, conclut Le Monde.