L'affaire de Meryem, une mineure de 14 ans, décédée lors d'une opération d'avortement clandestin, continue de soulever une vague de colère au Maroc. Les militants des droits de l'Homme ont organisé, hier jeudi 29 septembre 2022, un sit-in, devant le parlement à Rabat, pour faire entendre leur voix et dénoncer les violences faites aux femmes. Une situation ayant interpellé le gouvernement qui est finalement sorti de son mutisme et s'est prononcé hier sur ce drame. Dans la nuit du 6 au 7 septembre, la défunte Meryem, une jeune fille de 14 ans, a subi une opération chirurgicale mortelle dans la province de Midelt, plus précisément à la commune de Boumia. Une tentative d'avortement clandestin qui lui a couté la vie. Le drame a soulevé un tollé général dans le royaume. Des dizaines de militants des droits de l'Homme se sont rassemblés, hier, devant le parlement à Rabat, pour contester des lois "injustes et archaïques ». Sachant que le sit-in a été organisé par la Fédération démocratique des droits de la femme (FFDF), à l'occasion de la journée mondiale du droit à l'avortement, célébrée le 28 septembre de chaque année. « BARAKA » (stop), « Combien faudra-t-il encore de Meriem ? », « La loi me tue »...ne sont que quelques uns des multiples slogans levés par les manifestants afin de dénoncer le « meurtre tragique de l'enfant Meriem, victime de viol et d'avortement clandestin non sécurisé». Entre 600 et 800 avortements illégaux par jour Il convient de rappeler dans ce sens que le Maroc enregistre quotidiennement entre six cent et huit cent avortements illégaux. C'est d'ailleurs ce que révèle l'Association marocaine de lutte contre l'avortement illégal (AMLAC) soulignant que parfois, la chirurgie s'effectue dans des cliniques clandestines qui répondent à certaines normes, comme elle peut s'effectuer par des « guérisseurs » utilisant des méthodes à domicile sans aucune norme médicale. Une situation face à laquelle, les associations de protection des droits de la femme et des enfants appellent à la décriminalisation de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) afin de garantir des opérations sans risques de mort pour les femmes. De surcroît, elles mettent l'accent sur le droit de la femme à jouir complètement de son corps et partant de son droit à l'IVG. Signalons , à cet égard que le code pénal marocain punit les interruptions volontaires de grossesse de peines allant de un à cinq ans de prison ferme Le Code permet, par ailleurs, d'avorter notamment en cas de viol, d'inceste ou de malformation du fœtus à condition d'en faire la demande auprès de la justice. De son côté, l'association touche pas à mon enfant s'est également indignée du sort des enfants victimes du viol. Ladite association fait état d'un constat alarmant mais réel qui pointe du doigt une réelle injustice sociale. « Les mineures qui ont été violées et entrainées dans une grossesse, sont soumises à une forte pression de la part de leurs familles et de la société. Leur sort est donc soit d'être enfermées par leurs familles à la maison, plus précisément dans leurs chambres afin que les parents et les voisins ne sachent pas à propos de leur grossesse comme si elles étaient la cause de leur calvaire et elles sont punies par leur entourage et leur milieu, soit elles sont soumises à un avortement forcé « , déplore-t-elle à Hespress, tout en soulignant la nécessité d'alourdir les peines des violeurs et pédophiles. Appel à une réforme radicale du code pénal La tragédie a révélé une réalité atroce qui soulève une indignation générale au Maroc. Dans un communiqué, la coalition "Printemps de la dignité" a condamné, de sa part, "l'acte odieux" et la "double violence" subis par la victime. Une atrocité qui se manifeste en un viol ayant abouti à une grossesse puis à un avortement clandestin dans des conditions désastreuses. A cet effet, la coalition exige une réforme urgente et radicale du Code pénal, en harmonie avec les principes de la Constitution et des pactes internationaux. Autant de revendications qui ont fait sortir l'exécutif de son mutisme. En effet, à l'issue du conseil de gouvernement, le porte-parole de l'Exécutif, Mustapha Baitas, s'est exprimé lors d'une conférence de presse, tenue ce jeudi, au cours de laquelle, il a affirmé que les modifications prévues dans le Code pénal se pencheront sur l'interruption volontaire de grossesse . « Je ne minimise pas ce qui s'est passé. C'est grave et sérieux, et il ne faut pas que ça se répète, surtout qu'il s'agit d'une enfant qui avait la vie devant elle et qui a été victime d'un phénomène qui existe dans notre société, nous n'allons pas le réfuter », a-t-il déclaré, soulignant qu'il s'agit d'un sujet qui intéresse aussi bien le gouvernement, que la société marocaine. « Encore une fois, nous nous arrêtons pour observer certains phénomènes qui nous font mal en tant que citoyens marocains avant d'être des responsables gouvernementaux ». a-t-il ajouté. Rappelons que le dernier grand débat sur l'assouplissement de la législation sur l'avortement au Maroc remonte à 2015. Au cours de cette période, une commission spéciale d'enquête a recommandé d'autoriser l'avortement « en cas de force majeure »,comme en cas de viol ou de malformations graves, afin de faire face à l'augmentation explosive du nombre d'avortements illégaux. Néanmoins, aucune action concrète n'a été faite avec le conseil. Il convient tout de même de signaler que la défunte Meryem n'est pas un cas isolé. Loin de là, son affaire n'est qu'un drame parmi tant d'autres. Sa tragédie éveillent les consciences et dévoile des injustices sociales qui demeurent persistants au sein de la société marocaine. Pour éradiquer de tels crimes perpétrés contre l'enfance violée, une mobilisation de toutes les parties prenantes s'avère cruciale. La protection des enfants est la responsabilité de tous. Au lieu de les tenir pour responsables du crime auquel ils ont été exposés, il faut absolument les protéger, les soutenir et surtout dénoncer leurs agresseurs. Sombrer dans le mutisme n'a j'aimais été une solution et ne le sera jamais. C'est en revanche ce qui fait perdre l'honneur.