Au moment où nous commémorons le 17ème anniversaire de la réforme du Code de la famille (CF), l'ADFM tire encore une fois la sonnette d'alarme sur l'urgence d'harmoniser les lois et les politiques publiques avec la Constitution et les obligations internationales du Maroc relatives aux droits des femmes . En priorité le CF qui requiert une refonte globale de manière à combler les lacunes, remédier aux défaillances et contradictions de certaines dispositions. En effet, l'interprétation et l'application du CF sont loin de refléter l'esprit et les objectifs des dispositions constitutionnelles relatives à l'égalité et la non-discrimination. Les vides et lacunes juridiques de ce code, le pouvoir discrétionnaire accordé aux juges, engendrent des injustices et des discriminations envers les femmes et les filles, dont notamment : – Le mariage des mineures qui s'est aggravé au cours de ces dix-sept années, ce qui va à l'encontre des droits de l'enfant en privant des milliers de jeunes adolescentes de leurs droits à l'éducation, à l'indépendance et à la sécurité. Les statistiques publiées par le ministère de la Justice sont éloquentes. Elles indiquent qu'en 2015, 35 150 contrats de mariage de mineures ont été conclus, soit presque le double des contrats (18 341) conclus en 2004 ; – La polygamie encouragée jusqu'en 2019, par l'article 16 du CF, relatif à la régularisation des mariages coutumiers, a largement contribué à l'augmentation des mariages des mineures et à la polygamie. Il suffisait d'organiser un mariage par la « fatiha » et d'enclencher le processus de reconnaissance de cette union. Cette mesure, qui devait initialement durer 5 ans et qui a été prolongée de 10 années supplémentaires, a permis à des milliers d'hommes d'éviter de recourir au tribunal pour être polygame ou pour contracter le mariage avec une mineure. En conséquence, et comme nous le démontre la réalité du terrain, de nombreuses femmes et filles ont sombré dans la pauvreté et la vulnérabilité ; – La non-obligation de joindre au contrat de mariage l'annexe définissant les modalités du partage des biens acquis pendant le mariage a plongé de nombreuses femmes dans la pauvreté extrême malgré leur contribution dans la constitution du patrimoine familial et le temps accordé à l'entretien et à l'éducation des enfants ; – La tutelle légale sur les enfants est une discrimination notoire envers les femmes. Alors que le texte actuel prône l'égalité en droits et en responsabilités entre les hommes et les femmes, la tutelle légale est attribuée uniquement au père ; la mère perd la garde de ses enfants en cas de remariage et une femme divorcée qui a la garde de ses enfants a besoin de l'autorisation du père, souvent absent, pour entamer les nombreuses procédures administratives relatives à l'éducation, la santé et la scolarisation de l'enfant. Ces dispositions inégalitaires envers les femmes vont également à l'encontre de l'intérêt suprême de l'enfant. – L'impact socio-économique de la législation successorale actuelle, qui est inégalitaire, contribue à augmenter la pauvreté et la vulnérabilité des femmes, principalement celles issues des milieux défavorisés. L'ADFM considère que l'effectivité de l'égalité des sexes dans la loi et devant la loi et dans tous les espaces privés et publics est une condition indispensable à la réalisation du développement durable dans notre pays. Compte tenu des défaillances des dispositions et de l'application du CF et leur impact négatif sur la situation de la femme, sur la société et sur l'économie du pays, une révision globale du CF représente un enjeu de taille et un défi à relever au regard des avancées constitutionnelles et des engagements du Maroc auprès de la communauté internationale en matière d'effectivité des droits des femmes.