Les résultats sont sans appel, face à la lourde défaite du parti PJD, le RNI peut désormais célebrer sa victoire. Après dépouillement de 96% des suffrages, le ministère de l'Intérieur a annoncé dans la nuit de ce mercredi au jeudi 9 septembre 2021 que le RNI est arrivé en tête des élections législatives avec 97 sièges. MAROC DIPLOMATIQUE recueille les observations de David Goeury, membre du laboratoire « Médiations – Sciences des lieux, sciences des liens » de Sorbonne Université, et de l'initiative Tafra. Il est également membre du programme ERC Tarica. MAROC DIPLOMATIQUE : Quelle est votre réaction à chaud suite à l'annonce de ces résultats ? Quelles sont les perspectives d'avenir ? David Goeury : Les élections du 8 septembre 2021 ont été marquées par l'effondrement du PJD qui a perdu plus de 90% de ses élus à la chambre des représentants. Le PJD a subi un vote sanction impressionnant dans un contexte de mobilisation élargie. Outre les deux mandats à la tête du gouvernement, le parti paye surtout son incapacité à gérer les grandes villes marocaines depuis 2015. En revanche, le RNI réalise une percée remarquable en multipliant presque par trois son nombre d'élus à la chambre des représentants. Par ailleurs, sa victoire a été freinée par le nouveau quotient électoral. Le RNI tire profit d'une image renouvelée du fait de la gestion de la crise COVID par ses ministres, d'une campagne électorale très intense sur le terrain et sur les réseaux sociaux. Enfin, il n'y a pas eu d'émiettement accru de la chambre des représentants, les électeurs privilégiant massivement les grands partis politiques. MD : Quelles sont selon-vous les alliances possibles pour former la majorité gouvernementale ? D.G : Le RNI s'est déjà allié à l'Istiqlal et à l'USFP lors des élections professionnelles du mois d'août. Il est par ailleurs très proche de l'UC. Il peut donc constituer un gouvernement resserré avec ces alliés en s'assurant une majorité confortable. La question est de savoir si le PAM restera dans l'opposition. MD : Une fois l'équipe gouvernementale constituée, il va falloir se mettre en ordre de marche et ce ne sont pas les chantiers qui manquent. Quels défis attendent le prochain gouvernement ? D.G : Les attentes des citoyens marocains sont très fortes. Si plusieurs chantiers sont lancés comme la réforme de la protection sociale et l'amélioration du système de santé qui devraient advenir très rapidement, les principaux défis restent l'emploi des jeunes et l'amélioration du système de formation. MD : Vous étiez sur le terrain pour observer le déroulement de cette campagne depuis quelques mois, quel constat avez-vous fait ? D.G : La campagne électorale a commencé très tôt dès le mois de janvier avec la mobilisation de réseaux et de relais par les trois partis arrivés en tête le 8 septembre. Elle est montée en intensité semaines après semaines. Le RNI, le PAM et l'Istiqlal ont fait un effort important de mobilisation des électeurs notamment dans les campagnes et les petites villes marocaines. Dans les grandes villes, il semblerait que l'intense campagne menée sur les réseaux sociaux par le RNI a permis au parti de remporter l'élection. Il apparaît donc deux modalités très différentes : une campagne de proximité dans les communes rurales et les petites villes où le taux de participation est très élevé notamment en s'assurant d'un taux de couverture des circonscriptions uninominales dans les communes de moins de 50 000 habitants ; une campagne sur les réseaux sociaux présentant le programme électoral dans les grandes villes où le taux de participation est beaucoup plus faible. MD : En ce contexte de Covid, de restrictions, de digitalisation... quelle est la particularité de cette campagne ? Ses forces, ses faiblesses ? D.G : Cette campagne électorale a montré l'importance des réseaux sociaux pour toucher l'électorat urbain et surtout l'importance d'un investissement dans la mise en avant de contenu pour toucher des citoyens qui sont loin des réseaux militants. Ensuite, elle a démontré que même en période de restriction COVID, dans le milieu rural, les réseaux de proximité restent prédominants, le parti souhaitant remporter les élections doit avoir des relais en disposant de candidats locaux dans le plus grand nombre de villages. C'est ce deuxième point qui explique aussi la forte participation aux élections. MD : Que pensez-vous du taux de participation à ces élections ? D.G : Le taux de participation est important d'autant plus que le nombre d'inscrits a fortement augmenté. Il traduit donc un engouement pour ces élections même si le nombre d'électeurs reste très en deçà de la mobilisation exceptionnelle de l'année 1997. Pour les partis politiques arrivés en tête, c'est une victoire car cela conforte leur légitimité. Cependant, il faut rester prudent car seul un marocain sur 3 en âge de voter s'est déplacé le 8 septembre. Le pays reste marqué par une abstention massive notamment chez les jeunes puisque seulement 33% des 18-24 ans sont inscrits sur les listes électorales. Les partis politiques qui vont gouverner pour les 5 prochaines années doivent donc être particulièrement attentifs à ce problème.