Le nouveau visage de la pandémie est féroce, ses conséquences et ses implications aussi. Eviter cette situation qui a déjà endeuillé et paralysé d'autres pays est possible, est nécessaire. Agissons fort maintenant pour éviter le pire et ne pas compromettre la reprise sociale et économique en été. Le Brésil est en situation chaotique, la Grande Bretagne, l'Allemagne, l'Italie, l'Irlande, le Portugal, la France, d'autres pays de l'Europe centrale et de l'ouest ont décrété des mesures restrictives sévères et des confinements nationaux avec fermeture des écoles pour la majorité pour arrêter les nouveaux variants. C'est une nouvelle épidémie ou presque de par son ampleur et son nouveau visage : augmentation exponentielle de nouveaux cas, des malades de plus en plus en état grave, dans les services de soins intensifs de plus en plus de jeunes, beaucoup sans aucune pathologie ou vulnérabilité associées, des durées de séjours dans la réanimation plus longues, plus de femmes, et avec plus de séquelles. En France, par exemple, l'âge moyen des malades en réanimation a baissé de 10 ans dans certaines régions. Les moins de 60 ans qui représentaient 30% de la réanimation lors de la première vague sont aujourd'hui à 40% et ça continue de baisser. Plus de 60% ont moins de 65 ans dans certains services de réanimation. Le nombre de patients de 30-49 ans a triplé depuis janvier dernier. Celui des 50-69 ans a doublé sur la même période. La durée moyenne de séjour en réanimation est plus longue de 20% par rapport au mois de décembre 2020. La vaccination des personnes âgées, et donc leur protection, a – heureusement – réduit considérablement le nombre d'admissions de cette tranche d'âge aux hôpitaux et aux services de soins intensifs, mais ce n'est pas l'unique explication, ni la seule raison du « rajeunissement » des malades graves de la COVID 19. La propagation des variants, essentiellement britannique, a généré une augmentation exponentielle de nouveaux cas et donc automatiquement des cas graves, aussi bien chez les jeunes que les moins jeunes. Ce variant serait de 60 % plus contagieux selon plusieurs études. Il est aussi de plus en plus soupçonné d'être plus virulent et plus grave que la souche classique. Une étude récente vient de révéler que le variant britannique était plus sévère et 64 % plus mortel. Pour 1 000 cas détectés, il provoque 4,1 morts, contre 2,5 pour le coronavirus classique. Selon une étude anglaise publiée fin 2020 le taux de réinfection , attraper le virus une deuxième fois, serait de 0,7 % contre 0,11 % avec la souche classique. Plus de cas graves, plus de réinfections, durée moyenne de séjour plus longue, c'est plus de pression sur le système de santé , sur les lits d'hospitalisations et de réanimation. Chez nous, la situation épidémiologique est stable et sous contrôle depuis 10 semaines, une campagne de vaccination bien avancée, mais sommes encore loin de l'immunité collective. Des variants britanniques sont détectés sur notre sol, d'autres variants risquent de l'être. Ce scénario « Européen » est-il évitable ? Le risque de le voir se répliquer chez nous est hautement probable, la possibilité de l'éviter est non seulement possible mais nécessaire : nous devons endiguer la progression des variants en circulation jusqu'à ce qu'une proportion significative de la population marocaine soit vaccinée. Le respect strict et rigoureux des mesures barrières et des mesures territoriales, éviter les déplacements, les réunions et rassemblements familiaux ou autres non obligatoires, le respect strict de l'isolement par les malades testés positifs et du confinement des contacts. Les semaines à venir ne sont pas pour le relâchement, l'ouverture de notre économie, nos écoles, notre vie sociale, notre tourisme aux mois d'été en dépendent. Tous prudents et vigilants pour éviter une vague féroce, des mesures très contraignantes et laisser possible une reprise aux mois d'été. *Médecin, chercheur en politiques et systèmes de santé