Le journaliste algérien Khaled Drareni a été condamné, mardi, à deux ans de prison en appel, a annoncé le Comité National pour la Libération des Détenus (CNLD). Dans le cadre de la même affaire, deux coaccusés de Khaled Drareni, Samir Benlarbi et Slimane Hamitouche, deux figures du mouvement de contestation antirégime (Hirak), ont quant à eux écopé chacun de quatre mois de prison ferme et un an de prison avec sursis. Réagissant à cette lourde condamnation, Me Nourredine Benissad, membre du collectif de défense du journaliste Khaled Drareni et président de la Ligue Algérienne de Défense des Droits de l'Homme (LADDH) s'est déclaré « choqué ». « Je suis comme tout le monde sous le choc. Evidemment, en tant que collectif de la défense nous allons introduire un pourvoi en cassation tout de suite », a-t-il fait savoir dans des déclarations à la presse. « C'est une peine très sévère contre Khaled Drareni. Trois ans ferme. Nous avons été surpris », s'est indigné M. Benissad. Selon lui, l'exercice du métier de journaliste et le fait d'exercer ses droits constitutionnels n'a jamais constitué un crime. « C'est encore une fois une mauvaise image en matière d'atteinte aux libertés », regrette-t-il. Dans un tweet, le frère du journaliste, Chekib Drareni, s'est dit « écoeuré, choqué et déçu de la décision de la Cour qui renforce encore une fois l'injustice en Algérie ». Lors du début du procès en appel, il y a une semaine, le procureur avait requis quatre années de prison ferme contre le fondateur du site d'information en ligne Casbah Tribune, qui est également le correspondant en Algérie pour la chaîne de télévision française TV5 Monde et pour Reporters sans Frontières (RSF), qui a rejeté les accusations portées contre lui. « Je n'ai fait que mon métier de journaliste. Je suis là parce que j'ai couvert le hirak en toute indépendance », plaide-t-il. Jugé pour « incitation à un attroupement non armé et atteinte à l'intégrité du territoire national », Khaled Drareni, 40 ans, avait été condamné en première instance à trois ans de prison ferme le 10 août. Détenu depuis le 29 mars, le journaliste a été arrêté après avoir couvert le 7 mars à Alger une manifestation d'étudiants, dans le cadre du « Hirak », qui réclame un profond changement du « système » en place depuis l'indépendance en 1962. Des militants politiques, associatifs et syndicaux, des journalistes, des ONG, ont appelé à la libération du journaliste dont l'état de santé s'est dégradé. Ces organisations non gouvernementales et organisations de défense des droits de l'Homme ont appelé à « la libération immédiate des journalistes arrêtés en Algérie et à la fin des poursuites judiciaires et arbitraires à leur encontre ». Selon des organisations de défense des droits humains, des dizaines de personnes sont toujours arrêtées dans le cadre du mouvement de protestation. A cet égard, la « Coalition des Amis du Manifeste pour l'Algérie » a condamné la répression et l'exploitation du pouvoir judiciaire contre les militants du mouvement populaire de contestation « Hirak ». La coalition a exigé, dans un communiqué, l'arrêt de toutes les poursuites engagées contre les militants et la libération immédiate de tous les détenus politiques, ainsi que le rétablissement de leur considération juridique, sociale, matérielle et morale. Sur le plan international, le Haut représentant de l'Union européenne (UE) pour la politique étrangère et la sécurité, Josep Borrell avait exprimé la préoccupation de l'UE au sujet de la détérioration de la situation des droits de l'Homme en Algérie, matérialisée notamment par la détention arbitraire des militants du Hirak, des voix dissidentes et des opposants au régime. Dans une lettre adressée au Haut représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère et la sécurité, plusieurs eurodéputés de différents groupes politiques ont récemment attiré l'attention de l'UE sur la situation de la liberté de la presse en Algérie et les exactions commises à l'égard des journalistes, rappelant le cas de Khaled Drareni. Selon les signataires de cette lettre, « les autorités algériennes exploitent la crise sanitaire liée à la pandémie du Covid-19 pour serrer l'étau autour des militants du Hirak et des journalistes ». « Durant cette crise sanitaire, alors que les journalistes ont un devoir essentiel de combattre la désinformation, Khaled Drareni a été jeté en prison, en violation de ses droits les plus élémentaires », soulignent les eurodéputés, notant que « la pandémie ne peut servir d'excuse pour empêcher les professionnels de l'information à faire leur travail et priver les journalistes indépendants de leur liberté ».