L'événementiel familial, très convoité par les Marocains en période de festivité, agonise sous l'emprise d'une crise sanitaire mondiale sans précédent entre annulation, report et une saison de mariage en désarroi. Le choc économique sévit, menaçant tout un secteur déjà fragilisé par l'informel et le saisonnier. Pour le secrétaire général de la fédération marocaine des traiteurs, Hassan Douch, le secteur de l'événementiel « familial » est une « industrie en manque de nomenclature », qui a été victime d'un arrêt brusque et total. Ce domaine, à lui seul, génère des millions d'emplois, a indiqué M. Douch dans une déclaration à la MAP, relevant que les pertes financières qui en découlent sont subies directement par le secteur, qui englobe des professions formelles et informelles, produit d'un patrimoine marocain ancestral. Pour sa part, Mounia Benjelloun a expliqué que le domaine des cérémonies de mariages au Maroc, repose sur une chaîne de « petits métiers » très complexes et interdépendants et dont la prospérité de l'un dépend de l'autre. La maîtrise de l'art des rites nuptiaux est un secteur finement orchestré par divers individus, notamment la fameuse « neggafa », qui réalise un rêve, lequel se fait hâtivement sentir sur la plus belle moitié des deux époux. La célébration d'une alliance de deux êtres. Dans une déclaration à la MAP, cette gérante d'une société spécialisée dans l'organisation des mariages, a révélé que la célébration d'un seul mariage a des retombées non négligeables en matière pécuniaire sur plus d'une cinquantaine de personnes, liées de loin ou de près à cet événement. La célébration d'un mariage repose sur plusieurs personnes, qui travaillent en chaîne, tel « un effet domino ». Cet arrêt total, depuis le 14 mars, a affecté tout le secteur, qui évolue en général, dans l'informel et le saisonnier, a-t-elle encore détaillé. La situation est assez délicate pour tous les protagonistes du domaine, a ajouté Mme Benjelloun, confiant l'existence d'une catégorie qui résiste par divers moyens dont la vente des biens, malgré la persistance de cette crise alors qu'une autre a dû « mettre la clé sous la porte ». La gérante de « Dar Benjelloun » a également fait observer que la complexité de cette crise est doublement vécue. La période de janvier et février est une basse saison qui sert à acheter du matériel et passer les commandes auprès des artisans, en préparation à la nouvelle saison des mariages qui débute normalement en avril pour s'étendre jusqu'à la fin de l'année, a-t-elle confié. « C'est une période d'investissement dont les coûts sont actuellement subis ». En cette occasion, les professionnels du secteur rivalisent, de zèle, de génie et de talent pour émerveiller une clientèle assoiffée de fantaisies, avec des tapis couvrant les salles de fête, des « caftans » à la pointe de la mode, des tables aux couleurs surannées, dont le centre est égayé par un mélange floral. Une invitation à la nature et à la fête, avec des youyous qui retentissent dans l'air pendant toute la durée de ce « beau jour » et jusqu'au lever du soleil. Ces couleurs, formes, sons et parfums qui se mélangent, sont le fruit d'un savoir-faire ancestral marocain, méticuleusement coordonné, telle une « fourmilière », pour créer un univers singularisé par l'empreinte artisanale et artistique du riche patrimoine marocain. Mme Benjelloun a toutefois appelé à un « léger relancement d'activité ». Le gouvernement a réalisé un travail considérable en matière de lutte contre la propagation de la Covid-19, à travers la mise en place de procédures drastiques, toutefois un « léger lancement d'activité », en respectant les mesures de distanciation sociale, sera « une délivrance » pour une grande partie qui ne vit que de ce métier. Dans la même veine, la responsable de communication d'une agence spécialisée dans l'organisation des mariages, Sahar El Maazouzi a affirmé à la MAP que la période basse, qui a coïncidé avec le confinement, était une phase dédiée à la rénovation des salles de fête et à la préparation des prochaines commandes, nécessitant un important investissement. Sans s'attarder sur un chiffrage des pertes causées par l'arrêt total de l'activité due à la crise de la Covid-19, Mme El Maazouzi a relevé que cette crise mondiale a touché en plein fouet tout le secteur, sans distinction. Egalement gérante d'une boutique de caftans, Mme El Maazouzi a rappelé que la majorité des clients « ne peuvent pas fêter les noces sans avoir à leurs côtés les membres de leur famille, proche et lointaine ». Nos pairs ont entamé la revente de leur matériels pour subvenir aux frais persistants, a-t-elle rétorqué, signalant que seule la diversification des services a permis à quelques-uns d'atténuer le choc, alors que d'autres se sont retrouvés devant des pertes. Consciente de la délicatesse de la situation et surtout des efforts déployés par le Royaume pour lutter contre la propagation de la Covid-19, Mme El Maazouzi a exprimé le souhait de voir, dans le strict respect des mesures sanitaires, une « timide » relance de l'activité, surtout devant la crise des « petits métiers » du secteur, notamment « issawa », orchestres, « neggafa », artisans, serveurs, transporteurs, pâtissiers et bouchers. Malgré la multiplication des expressions de solidarité durant cette pandémie, une impression d'inertie et de paralysie générale piétine le secteur, à travers un basculement vers une crise économique subie à des degrés divers. Pour Youssef Chams Eddine, chef d'un groupe musical qui évolue dans l'animation des mariages, la complexité du milieu fait que dans son groupe de 17 professionnels, 5 dépendent directement des recettes liées à l'activité musicale. La récession a créé un mouvement de solidarité avec les personnes qui n'ont pas d'autres rentrées financières, a expliqué M. Chams Eddine, espérant voir une prospérité retrouvée après la fin de la crise sanitaire. Cette « catastrophe sanitaire » a joué un rôle révélateur pour le secteur de l'organisation des mariages, en rendant perceptible une chaîne de « petits métiers » vulnérable à l'essence et surtout interdépendante.