Des affrontements ont opposé, lundi pour la deuxième journée consécutive, des manifestants à la police à Tataouine, dans le sud de la Tunisie, suite à la descente effectuée par les forces de l'ordre dans la nuit de samedi à dimanche pour démanteler des tentes d'un sit-in réclamant l'application d'un accord visant la promotion de la situation sociale dans cette région. Dans la matinée, la police a procédé à d'intenses tirs de gaz lacrymogène pour disperser des centaines de manifestants dans le centre de cette ville situé à 500 km au sud de Tunis, selon des médias tunisiens. Des protestataires ont été arrêtés, y compris le porte-parole du sit-in, Tarek Haddad qui a entamé une grève de la faim sauvage depuis jeudi dernier. Cette figure de ce mouvement qui exige l'application d'accords signés en 2017 pour une meilleure répartition des richesses, est « recherché par la justice », selon le gouverneur de Tataouine, Adel Ouerghi. L'accord de 2017, favorisé par une médiation de l'Union Générale Tunisienne du Travail (UGTT), prévoyait également que l'Etat investisse 80 millions de dinars (quelque 27 millions d'euros) chaque année dans la région de Tataouine, sans que cela ne se soit concrétisé, souligne-t-on de même source. Dans une déclaration à une radio privée tunisienne, le gouverneur de Tataouine a dénoncé ces protestations, indiquant que plusieurs services administratifs ont été perturbés par la fermeture de la route, ce qui a conduit à l'application de la loi après consultation du ministère public. « La loi s'est appliquée notamment avec l'arrestation d'une personne (Tarek Haddad) recherchée pour atteinte à l'ordre public, agression verbale et incitation à la violence à travers les réseaux sociaux », a-t-il ajouté. Il a souligné qu'il est inacceptable que les manifestants jettent des pierres sur les agents sécuritaires. Au sujet du sit-in d'El Kamour, Ouerghi a précisé qu'il était convenu de mettre les procédures du suivi sur la table des négociations. De son côté, le ministère tunisien de l'Intérieur a indiqué qu'après l'arrestation de Haddad, des « sympathisants » ont bloqué la voie publique et tenté d'attaquer un local des forces de sécurité avec des cocktails Molotov, ajoutant que dix personnes ont été interpellées. Après des échauffourées ayant duré jusque dans la nuit, l'armée a été déployée lundi devant les établissements de l'Etat, a indiqué pour sa part le porte-parole du ministère de la Défense, Mohamed Zekri. En réaction, la section régionale de l'UGTT a déploré la non-satisfaction par le gouvernement de ses promesses à l'égard de l'accord d'El Kamour, ainsi que son ignorance quant au renouvellement des protestations et aux accords conclus entre le chef du gouvernement et le secrétaire général de l'UGTT concernant la tenue d'une réunion ministérielle à Tataouine. Selon le communiqué, le syndicat régional a également fait porter au gouvernement la responsabilité de tout ce qui arrivait aux protestataires et les grévistes de la faim l'avertissant des « conséquences du non-respect de l'accord » et « le maintien des poursuites judiciaires contre les manifestants ». Dénonçant un recours à la force « excessive et injustifiée » contre les manifestants, l'UGTT a appelé à une grève générale lundi à Tataouine. Les commerces étaient ouverts, mais les services publics et institutions étatiques sont restés fermés, en réponse à cet appel. Des partis politiques ont condamné, dans une déclaration commune, la réponse « répressive » des autorités au mouvement social revendiquant les droits sociaux et économiques. Le Parti socialiste, le parti des Travailleurs, le mouvement de la Tunisie en avant, le parti national démocrate socialiste, le mouvement Baath et le Courant Populaire ont renouvelé leur soutien et leur adhésion au mouvement social. Ils ont également exprimé leur attachement à l'action conjointe entre toutes les forces sociales et progressistes et à le développer dans la perspective de faire face aux choix du système de gouvernement dicté par le Fond Monétaire International. De son côté, le Parti des patriotes démocrates unifié (PPDU) a dit « soutenir » les jeunes protestataires, leur sit-in et leurs revendications légitimes, tout en dénonçant le recours du gouvernement à « la répression ». Pour sa part, le parti de « Al-Harak » a exprimé son « mécontentement », tout en déplorant sévèrement les descentes sécuritaires sur le sit-in d'El-Kamour et l'instabilité de la situation sécuritaire et les tensions qui ont suivi l'intervention des forces de l'ordre.