Face à la léthargie dans laquelle baigne l'Union du Maghreb Arabe, le Maroc n'a pas trouvé autre voie que de s'ouvrir sur une autre sous-région africaine. C'est dans ce cadre qu'il vient d'entamer les démarches institutionnelles pour rejoindre la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Une décision animée par plusieurs motivations et entre dans le cadre d'un changement de paradigme de plus en plus affiché. Décryptage avec le géopoliticien, Nabil Adel. Premier investisseur dans l'Afrique de l'Ouest, le Maroc qui met tout son poids sur le continent africain dans le cadre d'une offensive géostratégique inédite, veut désormais faire partie intégrante de cet espace régional. Le Royaume ne se contente pas désormais de son statut d'observateur, mais demande de jouir d'un statut de membre à part entière afin qu'il puisse prendre part pleinement aux décisions économiques et politiques ouest-africaines. Une décision qui ne manquera pas de changer la donne régionale. Quelles motivations ? Moins d'un mois après le retour dans le giron africain, le Roi Mohammed VI qui a évoqué lors du 28ème Sommet de l'Union africaine « la flamme éteinte de l'UMA » (Union du Maghreb arabe), a dépêché l'appareil diplomatique du Royaume pour concrétiser l'intégration dans la CEDEAO. Une décision qui s'inscrit en droite ligne avec la vision du Souverain qui, à l'occasion du dernier sommet africain d'Addis-Abeba, a déploré l'Etat d'une UMA presque en agonie. Interpellé par Maroc diplomatique sur les motifs de cette demande, le Directeur du groupement de recherche en géopolitique et géoéconomie de l'ESCA-Ecole de Management, Nabil Adel, a tout d'abord rappelé que « le Roi n'a pas manqué de marquer son irritation face à la léthargie du Maghreb Arabe, lors de son discours à Addis-Abeba », en détaillant au moins trois raisons de cette décision. Partant du fait que l'UMA « est l'ensemble le moins intégré en Afrique», ce professeur d'Economie et des finances considère que le Maroc n'a fait que « joindre la parole à l'acte ». Selon lui, « le Maroc ne peut pas rester coincé dans un bloc commercial régional où rien ne fonctionne, alors que dans d'autres zones commerciales du continent, les échanges sont plus soutenus et le développement va bon train ». Pour ce qui est de la deuxième raison, M. Adel explique qu'elle est plutôt d'ordre stratégique et géostratégique. « En fait, l'Algérie a essayé de coincer le Maroc grâce à l'UMA. Celle-ci ne fonctionnait pas et le pays ne pouvait pas aller voir ailleurs », affirme-t-il en expliquant que le Royaume va grâce à cette initiative « casser ce piège et aller vers d'autres espaces plus intégrés et plus homogènes ». Sur le même registre, l'autre raison de cette intégration, et qui n'est pas des moindres, « est que les pays maghrébins ont accueilli avec beaucoup de froideur le retour du Maroc à l'UA. Qu'il s'agisse de la Tunisie ou de la Mauritanie, à la surprise générale, ils étaient assez froids quant à ce retour et donc ça n'a pas manqué d'attirer l'attention de beaucoup d'observateurs», martèle-t-il. L'UMA, un bloc moribond Après 28 ans de sa création, l'UMA est restée la région la moins intégrée à l'échelle mondiale avec un taux d'intégration ne dépassant guère les 3% alors qu'il est déjà de 10% au niveau de la CEDEAO et peut dans d'autres régions, être supérieur à cela. « Si on a un bloc commercial régional qui ne fonctionne pas économiquement et qui ne fonctionne pas politiquement, où il n'y a pas le moindre signe de solidarité, cela voudrait dire qu'il y a un problème », s'interroge le professeur à l'ESCA (Ecole de management). « Cela ne veut rien dire, aujourd'hui, de continuer à faire semblant, il faut acter que ce bloc est mort et enterré », estime notre source pour qui, « le Maroc signe, à travers cette décision, l'acte de décès de l'UMA». A rappeler dans ce cadre que le Souverain avait déjà prédit le sort réservé à cette « désunion » du grand Maghreb. « Si nous n'agissons pas, sauf à prendre exemple sur les sous-régions africaines voisines, l'UMA se dissoudra dans son incapacité chronique, à rencontrer les ambitions du Traité de Marrakech, qui lui a donné naissance il y a 28 ans », avait-il dit à l'occasion du dernier sommet africain. Aujourd'hui, le Roi joint l'acte à la parole. « S'il ne sort pas formellement de cet ensemble moribond », il faut dire que « dans les faits, sa démarche revient à cela » étant donné qu'il « va orienter ses efforts vers d'autres pays sachant que, concrètement, il y a un accord de libre-échange entre les pays de l'UMA, mais ça s'arrêtait là. Il n'y a pas eu davantage d'intégration économique », nous a confié l'expert. Regrettant cette faible imbrication des économies des pays du Maghreb, notre chercheur a considéré que le taux d'intégration de 10% au niveau de la CEDEAO est appelé à augmenter avec l'intégration du Maroc. Et ce, notamment, grâce à son expertise et son infrastructure logistique et son système bancaire bien imbriqué dans cette région.