« S'il y a une chose dont j'ai horreur, c'est bien l'abandon des enfants ! », déplore la porte-parole des mères célibataires Aicha Chenna, en marge de la conférence de presse de l'événement sportif Sahraouiya, tenue le mercredi 5 février. Sans une once d'hésitation, cette militante engagée a pointé du doigt la responsabilité de nos élus dans le sort malheureux de ces enfants, tout en incitant les journalistes à éclairer l'opinion publique sur ces questions. La fondatrice de l'association Solidarité féminine est à la fois Marraine de cœur de l'événement Sahraouiya, depuis la première édition. Malgré son état de santé fragile, cette militante engagée pour la cause des enfants et des femmes, n'hésite pas à prendre la parole, à chaque fois que l'occasion le permet, et à déplorer la situation des enfants nés hors mariage et des mères célibataires au Maroc. Œuvrant depuis 30 ans à l'assistance et veillant à l'intégration sociale des mères célibataires à travers l'Association Solidarité féminine, Aicha Chenna dit « Oui » à l'éducation sexuelle. Dans le même registre, elle explique qu'elle veut dire par là que « la fille et le garçon devraient connaître leur corps parce que face à la justice ils sont adultes à partir de 18 ans ». Elle poursuit : « si des adultes veulent avoir des relations libres et consenties, cela les regarde. Toutefois, Il y a la loi devant eux. Par contre, si on ne fait rien pour arrêter cette hémorragie et si on ne protège pas la mère célibataire, afin qu'elle ne jette pas son bébé dans la rue, on risque d'avoir de grands problèmes. Or, ces enfants-là n'auront aucune pitié de nous parce que personne n'a eu pitié d'eux ». Par ailleurs, il y a quelques mois, le journal espagnol Mujer Hoy avait écrit que selon Aicha Chenna « 24 bébés sont jetés à la poubelle chaque jour au Maroc », des chiffres alarmants qui n'ont pas laissé la presse marocaine indifférente. Ses propos avaient provoqué un tollé, certains ont exprimé leur scepticisme face à l'absence de données officielles sur le sujet, d'autres n'ont pas hésité à s'indigner face à l'ampleur du phénomène social. Cette associative, pour sa part, considère qu'« Il n'y a pas mieux que de parler de ces choses-là, parce qu'il y a un vrai problème et je suis désespérée de voir que les enfants abandonnés et les mamans célibataires continuent d'être exclues et marginalisées sur notre territoire ». Connue pour son franc-parler, cette militante a affirmé dans son allocution que « c'est notre devoir à tous et toutes, main dans la main, de lutter ensemble contre ce phénomène social. Il faut arrêter de se voiler la face ! ». Sur un autre volet, Aicha Chenna déplore également le traitement « inégalitaire » que subit la mère célibataire face au père biologique de l'enfant. Or, les deux parents devraient assumer leur responsabilité et protéger leur enfant. En revanche, il faut les responsabiliser les deux. « Vous ne pouvez pas imaginer ce que subissent les mamans qui abandonnent leurs enfants. Elles sont envahies par le sentiment de culpabilité et les remords », s'insurge-t-elle sur une note amère. Portant le militantisme comme une deuxième nature, Aicha Chenna nous confie l'histoire d'une maman qui a vécu le pire pour pouvoir récupérer son enfant. « J'ai rencontré une mère célibataire qui a fait tout pour retrouver son enfant, une fois entre ses bras, la maman entame les procédures pour le reprendre, mais, hélas, il sera accusée d'avoir eu des relations sexuelles hors mariage et l'abandon de son enfant dans l'espace public, et on lui enlèvera son bébé. Tandis que si la maman garde son enfant, cela va couter nettement moins cher à l'Etat au lieu de le mettre dans une maison d'orphelinat », souligne-t-elle. Toutefois, cette militante a rappelé qu'elle ne souhaite pas que les marocains deviennent comme les européens ni qu'ils commencent à vivre en concubinage. Pointant du doigt la responsabilité des élus et surtout des parlementaires dans ce combat, Aicha Chenna n'a pas hésité à exprimer son mécontentement du « désengagement » des responsables de ce dossier. « J'ai l'impression que nos responsables ne sont pas préoccupés par le futur de ces enfants qui seront les adultes de demain. Je n'ai jamais vu un parlementaire plaider pour les droits des enfants nés hors mariage ou bien lancer une enquête sur le sujet. Nos élus, sont aussi les représentants de la nation, leur rôle n'est pas seulement de voter des lois mais aussi de nous protéger », souligne-t-elle. En outre, elle a appelé les journalistes à sensibiliser l'opinion publique sur l'importance de la protection de l'enfance. Enfin, la porte-parole des mères célibataires, âgée de 78 ans, a tenu à remercier la presse marocaine de l'avoir distingué comme une des six personnalités ayant marqué l'année 2019 par leur parcours professionnel ou leurs initiatives citoyennes dans différents domaines. Rappelons qu'elle a été récompensée par les plus hautes distinctions au Maroc et dans de nombreux pays, notamment en France où elle a reçu l'Opus prize en 2009 et été nommée au grade de chevalier de la légion d'honneur en 2013.