Etre mère célibataire dans notre pays est un tabou absolu, et les femmes qui tombent enceintes hors des liens du mariage sont souvent battues à mort ce qui entraîne des fausses couches, un objectif recherché par la mère, le père ou le frère. Battues, humiliées au vu et su de tout le voisinage qui considère cet acte inhumain comme un moindre mal, l'important c'est que la jeune fille soit débarrassée du fœtus et l'honneur de la famille est sauvé. Pour d'autres mères célibataires le sort est souvent moins clément puisqu'elles sont rejetées sans hésitation par leur entourage. La société est souvent sans pitié outre le fait de condamner ces jeunes femmes qui, dans bien des cas, sont des victimes de viol, ou de fiancés lâches qui abusent de la crédulité et de l'innocence de ces jeunes filles. La société n'hésite pas à condamner aussi les enfants qui naissent hors mariage en les désignant de Oulad Al Hram. Mesure-t-on la portée de ces paroles ? A-t-on idée des conséquences qu'elles peuvent entraîner chez un enfant ? Les mères célibataires sont des citoyennes marocaines à part entière, elles ont des droits et si notre société était moins hypocrite, ces femmes pourraient élever leurs enfants, mais il y a une telle condamnation que bien souvent elles l'abandonnent à l'hôpital quand ce n'est pas dans la rue et c'est là un drame souvent occulté. Indifférence coupable Le problème des mères célibataires ne peut laisser personne indifférent, tant il est vrai que c'est un problème qui induit des conséquences dramatiques, outre le rejet de la famille, le regard accusateur de la société, la marginalisation, la perte de la dignité, parfois l'irréparable peut se produire. On ne peut donc se voiler la face et dire que tout baigne, c'est à l'évidence nous rendre coupable de non assistance à personne en situation de détresse, car les mères célibataires sont dans la majorité des cas qui nécessitent soutien, aide, compassion, compréhension et amour. Le phénomène est réel et il se pose avec acuité dans notre société. Il devrait en toute bonne logique constituer une priorité des pouvoirs publics car la non-reconnaissance de cette frange de la société victime d'une double violence, car qui dit mères célibataires, dit souvent enfants abandonnés. .Evoquer aujourd'hui la situation des mères célibataires au Maroc, c'est évoquer le drame d'une société où le droit de la famille repose exclusivement sur l'institution du mariage et sur les rapports de filiation légitime. Des violences multiples Les problèmes rencontrés par ces femmes, que ce soit pour leur admission à l'hôpital pour leur accouchement, ou pour leur insertion sociale, pour la prise en charge de leurs enfants, pour celles qui ont choisi de les garder, la scolarisation de ces enfants, les problèmes sont tels qu'il est impossible pratiquement d'y faire face, toutes les portes se ferment devant ces femmes qui pourtant n'ont commis aucun crime. Autant d'injustices à l'adresse de ces femmes qui sont pour la grande majorité d'entre elles victimes par ignorance, car ces grossesses sont les fruits à des relations sexuelles non protégées avec un petit ami ou avec un fiancé qui avaient promis le mariage et qui se débine une fois son désir assouvi. Les mères célibataires sont aussi très souvent des jeunes filles violées par des repris de justice récidivistes, des criminels qui s'attaquent aux plus faibles aux plus vulnérables. Ces mères célibataires gardent souvent leur mésaventure secrète par peur des conséquences, des représailles, de la honte, du déshonneur…et ce n'est qu'à la découverte de leur grossesse qu'elles réagissent et s'exposent du même coup à une autre injustice beaucoup plus dure, plus difficile à supporter celle de la réaction familiale, des frères, sœurs, oncles ainsi que le regard des voisins et surtout voisines. Ces jeunes filles subissent une triple violence du fait qu'elles avaient subi des viols, rejetées par leur famille et par la société. Mères célibataires = enfants abandonnés Dans le cas de jeunes bonnes agressées sexuellement par leur employeur, elles sont doublement pénalisées. En plus d'être victimes de viol, la société leur reprochera d'avoir «provoqué» le drame et d'afficher «publiquement» la perte de leur virginité. Dans la plupart des familles, il n'est absolument pas question que la jeune fille puisse être vue dans cet état par son père ou ses frères. Elle sera considérée comme une prostituée… Face au regard critique que la société pose sur elle, sans appui ni reconnaissance, la mère célibataire, souvent pauvre et analphabète, n'a souvent d'autre choix que d'abandonner son enfant. Parmi ces abandons, un grand pourcentage se fait au niveau des hôpitaux. Dans d'autres situations la mère célibataire remet son enfant à une femme qui la prend en charge jusqu'à son accouchement, cet enfant sera remis à d'autres personnes …..Mais là où ça fait mal c'est quand ces pauvres créatures innocentes sont abandonnées sur la voie publique. On dénombre prés de 30.000 enfants abandonnés qui sont recueillis et pris en charge par des institutions et des ONG Perte de repères Face à cette situation et aux drames qu'elle engendre. Il est tout à fait normal de se poser des questions car au-delà des viols dont peuvent être victimes les petites bonnes ou les jeunes filles qui se hasardent la nuit en des endroits plus ou moins fréquentables. Le plus souvent les victimes sont éloignées de leurs familles respectives. Ces filles sont littéralement happées par la vie facile et l'étalement inconsidéré d'une richesse matérielle aux origines douteuses. Dans la plupart des cas, l'absence d'une éducation appropriée et la tentation d'une vie facile ne laissent aucune chance à ces filles venues la plupart du temps de contrées éloignées. Le choc que provoque chez elle la perte de la tutelle familiale et l'immersion dans une société en totale déperdition et sans aucun repère ne laissent que peu de chance à la lucidité, c'est notamment le cas des jeunes filles qui sont obligées de poursuivre des études loin du domicile familiale .Ces jeunes filles découvrent soudainement une liberté totale qui jusque là était contrôlée et restreinte. Boite de nuit, cinéma, cigarettes et le reste suit tout naturellement pour bien des jeunes filles de très bonne famille. C'est souvent le début de la descente aux enfers et ça n'arrive pas qu'aux autres. C'est dans ces sphères que la société devrait intervenir afin de réduire cette dérive d'une population estudiantine totalement désarçonnée par tant de liberté. Agir en amont devrait réduire la fracture. Toutefois, lorsque le mal est fait, il est préférable de tenter d'en limiter les blessures par une solidarité active. Les informations les plus alarmantes circulent sur le nombre de mères célibataires prises en charge par les différents services de santé et par les ONG qui militent dans le champ de l'action sociale. Le phénomène qui prend de l'ampleur au fil du temps ne semble pas s'arrêter. Avant de conclure je voudrais rendre sur ces colonnes un grand hommage à une grande dame qui milite depuis bien longtemps auprès des mères célibataires pour leur apporter amour, compassion, aide et dignité, une femme qui réalise un travail formidable, je veux parler de Mme Aicha Ech Chenna fondatrice de l'association Solidarité Féminine en 1985 et qui est reconnue d'utilité publique par l'Etat depuis 2002. Nous voulons aussi rendre hommage à l'association Terres des Hommes, une ONG qui œuvre en faveur des mères célibataires et des enfants en abandon et à toutes les bonnes âmes charitables qui apportent aide et soutien aux enfants abandonnés.