Les trois grands centres urbains du Tafilalet, berceau historique de l'art du Melhoun, abriteront, dès ce vendredi, la seizième Rencontre Sijilmassa du Melhoun, dédiée à l'un des plus grands poètes de cet art sublime "Si Thami Mdaghri Messoudi". A Errachidia, Erfoud comme à Rissani, les férus de cet art séculaire vont ainsi apprécier un imposant corpus de poèmes et de chants que vont reproduire les chantres du Melhoun, lors de cette manifestation visant également à conserver l'une des formes les plus élaborées de versification en arabe dialectal marocain. Si le Melhoun rayonne actuellement dans plusieurs zones dont Meknès, Fès, Marrakech, Salé et Azemmour, c'est grâce notamment à ces ténors versificateurs, ces grands poètes qui, en émigrant vers les grandes villes du Maroc, permirent au Melhoun de se développer sous d'autres cieux avec le soutien d'un corps d'artisans et de métiers d'art mais aussi avec le contact des arts citadins. Référence originale à une culture populaire complexe où coexistent le religieux, le profane et le fantastique, le Melhoun puise sa valeur non uniquement dans les donnes mélodique et intonative prosodique, mais aussi dans ce riche répertoire encore inexploré, expression d'une mémoire collective, peaufinée en prouesses métriques et poétiques. Il s'agit ainsi d'un répertoire qui raconte musicalement et textuellement les coutumes et traditions des communautés, renseigne sur les faits et événements historiques et décrit les rapports sociaux et économiques dont il constitue une sorte de miroir de toute une communauté. Dès lors, le ministère de la culture a prévu un arrêt de réflexion sur cet art patrimonial sublime, avec la participation de plusieurs chercheurs en matière de culture populaire, tels que Khaled Ben Lahbib Dadsi, Salem Abdessadek, Said Karimi, Mohamed Alami et Mohamed Nmila qui vont se pencher sur les voies et possibilités de développement et de conservation, afin d'éviter tout sort d'oubli ou de perdition. Pour ce qui est des prestations artistiques publiques, les organisateurs ont fait appel à la majorité des groupes de Melhoun exerçant dans toutes les villes considérées comme étant traditionnellement cités Melhoun, telles Sijilmassa, Salé, Meknès, Errachidia, Fès, Marrakech, Azemmour. En fait, le dur labeur de préservation de ce riche répertoire du Melhoun ne doit aucunement se limiter à l'ériger en tant que produit séculaire, traditionnel et patrimonial, mais également en tant qu'art actuel. D'ailleurs, de quelques milliers de qsidas versifiées par les poètes, seule une infime partie a été jusque là chantée, le reste est toujours un trésor inexploré et partant menacé de disparition. A lui seul, Cheikh Moulay Driss Alaoui, connu dans le Tafilalet comme étant l'un des grands poètes du melhoun, compte à son actif environ 200 qsidas.