Le 4-ème Festival de Fès de la culture soufie, placé cette année sous le signe "Mystique et poésie", s'est ouvert samedi soir, au rythme de chants extatiques de l'ensemble "Al Kindi". Mené en main de maître par l'un des dépositaires des traditions des chants classiques arabes, Jallal Edin Weiss, le groupe a interprété, devant un public conquis, un mélange d'oeuvres musicales soufies, agrémenté d'improvisations inspirées de la littérature soufie turque et syrienne. Accompagné de deux ténors du chant soufi, le charismatique Shaykh Habboush de Syrie et le psalmodieur et muezzin de la grande mosquée d'Istanbul, Bekir Buyukbas, l'ensemble est remonté des siècles dans l'histoire pour en recueillir des chants que seuls les soufis ont en le secret. Dans un climat empreint de sérénité et de recueillement, le public s'est délecté à coeur joie la voix et l'esthétique des musiciens et des Mounchidine turcs et syriens. En accueillant des solistes prestigieux comme Sabri Moudallal, Adib Dayikh ou Sheikh Hamza Shakkûr, l'Ensemble Al-Kindi prend chaque fois une tout autre dimension. Basé à Alep, l'Ensemble Al-Kindi, fondé en 1983, est considéré comme l'un des pionniers au Proche et Moyen-Orient, avec la particularité d'être devenu une sorte de conservatoire de la musique soufie. Dimanche, le festival accueillera les Shahi Qawwals d'Ajmer Dargah Sharif, venu spécialement d'Inde. Seront aussi de la fête la troupe chinoise de musique et chants soufis "Maqâmât", Mustafa Zaman Abbasi du Bangladesh et Hussain Al Aadhamy d'Iraq. Le festival réunira, dans le cadre d'une rencontre qui ne manquera pas d'attirer un large public, l'artiste marocaine Karima Skalli et le célèbre luthiste Haj Younès, qui rendront hommage à Abu al Hassan Ash Shusturi. Des troupes soufies aussi célèbres les unes que les autres sont conviées à animer les soirées du festival. Le somptueux Musée Batha abritera des nuits de Samaa des Tariqa Boutchichiyya, Charqawiyya, Darqawiyya, Wazzania et Siqilliyya Khalwatiyya. Volet intellectuel, cette édition donnera la parole à un parterre de personnalités de cultures ou religions diverses, d'académiciens, d'intellectuels, de leaders spirituels, d'hommes politiques, de chefs d'entreprises ou d'acteurs de la société civile, qui se réuniront dans le cadre du forum "une âme pour la mondialisation", qui a retenu cette année la thématique "pour une poétique de civilisation". Huit jours durant, les personnalités présentes débattront de thèmes ayant trait à "la thérapie de l'âme", "la chevalerie spirituelle (Futuwwa) : une voie pour notre temps ?", "la conférence des oiseaux", "Figures du Shaykh vivant : Sidi Hamza Al Qadiri Al Boutchichi", " Mystique et poésie chez Ibn Arabi" et aux "manuscrits de Tombouctou". Les débats seront aussi axés sur la "spiritualité et changement social", "la poésie dans un jardin", "l'écologie : une nécessité matérielle ou un art de vivre ?", "l'amour plus fort que la mort", "cinéma et quête de sens", "la quête d'Ibn Batouta" et "Islam et Occident : les traces de lumière". L'association du Festival de Fès de la culture soufie, initiatrice de cet évènement, entend, par le choix de la thématique de la poésie, "élargir le champ de notre conscience et de notre pensée et porter une autre vision de la société où l'alliance entre projet politique et quête de beauté pourrait initier une +Poétique de Civilisation+".