A l'heure où les salles obscures mettent la clé sous le paillasson, le cinéma marocain semble vivre une embellie avec des films qui parviennent à trôner au box-office national et drainer de respectables recettes. Par Ali Hassan Eddehbi Cette prouesse a été réalisée en 2009, année prolifique pour le cinéma national avec une production de 15 longs métrages qui ont bénéficié de l'avance sur recettes d'une enveloppe de 52 millions de DH, soit 5pc de plus qu'en 2008 et 80pc de plus qu'en 2006. Un bilan très positif malheureusement confronté à un maigre butin des salles de cinéma, de plus en plus rares, dépassant à peine les 68 MDH (2,6 millions d'entrées), alors qu'il frôlait les 117 MDH rien qu'en 2001. Lors d'une rencontre consacrée au bilan cinématographique de l'année écoulée à l'initiative du magazine électronique " Maghrebarts ", les participants ont, principalement, attribué cette baisse des recettes à la disparition des salles de cinémas, mais aussi à la baisse de fréquentation de celles encore en vie qui ont baissé de 11pc en 2009 par rapport à l'année qui précédait. Selon le Centre cinématographique marocain (CCM), le Maroc comptait, à fin 2009, 54 salles et 77 écrans, les multiplexes regroupant chacun plusieurs salles. Chiffres insignifiants pour un pays qui comptait plus de 200 salles il y a une vingtaine d'années ! Cette situation interpelle les amoureux du cinéma à déployer davantage d'efforts pour la réhabilitation des salles délaissées, comme c'est le cas de l'Alcazar à Tanger, de l'Hollywood à Salé, a-t-on relevé au cours de ce débat, en rappelant à ce titre que deux salles sont en cours de finalisation à Khouribga et une troisième à Ouarzazate. En dépit de cela, le film national s'est affirmé l'an dernier en totalisant le plus grand nombre d'entrées, un peu loin devant des productions étrangères, notamment américaines. Chiffres à l'appui: un long-métrage national attire en moyenne plus de 13.000 spectateurs contre 4 000 pour un film hollywoodien. C'est dire que " Casanegra " (214 400 entrées), " Amours voilées " (179.300) et " Ex-Chamkar " (106.000) ont été des "affiches salvatrices" pour les propriétaires des salles. Un constat très satisfaisant qui incite cependant à poursuivre cette embellie du cinéma marocain, au service des salles de cinéma afin qu'elles renouent avec le lustre d'antan. S'il est vrai que les cinéastes nationaux vivent une idylle avec le public et malgré le bilan honorable des participations marocaines à l'étranger, les spécialistes et les amoureux du 7è art national veulent plus. L'année dernière, à titre d'exemple, le Maroc a participé à 72 rendez-vous cinématographiques régionaux ou internationaux. Une participation qui soldée par 22 distinctions. Critique et scenario, deux volets à perfectionner Pour le président de l'Association des critiques du cinéma, M. Khalil Damoun, l'augmentation de la production nationale est source de fierté mais, d'après lui, il serait " injuste et impossible de revendiquer que tous les films sont bons". Au niveau de l'écriture du scénario, il a relevé que sur les 15 films produits en 2009, quatorze ont été écrits par les réalisateurs eux-mêmes, déplorant dans le sillage le fait que les producteurs continuent de douter des compétences techniques nationales. C'est ainsi que seulement six Marocains ont été chargés du montage des quinze longs métrages produits l'année dernière, alors qu'au niveau de l'image le même nombre, dont un réalisateur, ont assuré le rôle de cameramen dans ces productions, a-t-il regretté. D'autre part, M. Damoun a appelé à davantage de réflexion sur la critique du cinéma, laquelle devrait se faire par les spécialistes et dans les règles de l'art et se focaliser sur le côté esthétique et créatif de l'oeuvre au lieu de succomber au sensationnel et à la tentation du tabou et aux confrontations idéologiques. Il a également affirmé qu'il arrive que les critiques de cinéma manquent d'espaces d'expression dans les médias, à cause de l'absence de publications spécialisées. "Le critique de cinéma a plus de recul, son travail est plus profond et plus volumineux par rapport à un article de presse, ce qui pose un problème de publication, notamment en l'absence de revues spécialisées qui pourraient consacrer de larges développements au 7è art", a-t-il dit.