Une programmation quelque peu "excentrique" attendait, mercredi soir, le public de cette 17-ème édition du festival de Fès des musiques sacrées du monde: Du rap certes, mais d'un style difficilement classable. Un mélange entre Jazz, Slam et mélodies à texte. Le tout "philosophiquement" interprété par un Abdelmalik des grands jours. Pour ceux qui ont découvert Abdelmalik, pour la première fois, ce franco-congolais, au coeur solidement attaché à la pensée soufie de la confrérie Qadirriya Boutchichiya, n'a rien à voir avec l'image stéréotypée du rappeur ou slameur rebelle. Son style s'apparente à une approche poétique faisant tomber les préjugés: Loin du genre clanique, auto-centré, Abdelmalik n'hésite pas à créer un lien entre une chanson française à texte, un rock classique et un rap différent, dans un véritable éclectisme musical. Il faut bien dire que Abdelmalik ne laisse personne indifférent. Ses chansons aux textes forts, accompagnés d'une musique qui appuie l'intensité de ses paroles parfois chantées, parfois récitées, créent une ambiance festive. Son escale à la scène de Bab Lmakina était un moment singulier, comme il le dit lui-même : " Ici, je suis chez moi ! ". Avant même le concert, lors de l'habituel point de presse, il avait promis un spectacle différent: "Ce qui compte pour moi c'est la singularité de ce moment, de cet instant où je vais me produire à Fès. ça ne sera pas du réchauffé ce que je vais présenter au public ce soir, et même si c'était le cas, ce que je chante à Paris ou à New York ne pourra jamais être le même ailleurs ". Chose promise, chose due. Le spectacle de la soirée, une nouvelle inspiration poétique comme il l'a intitulé, était un véritable "trait de vitalité" caractérisant cette fouille dans les racines d'un homme dévoué. Pour un seul concert, le public du festival ne s'attendait pas à cette avalanche de rythmes, de musicalité, de sonorités tantôt africaines, tantôt américaines, tantôt slow, tantôt hard. De la générosité à l'état pur. Chacun des morceaux interprétés, en une chorégraphie on ne peut plus sublime, était l'incarnation d'un artiste empreint d'un humanisme qui se traduit, entre autres, pour un intérêt à un soufisme ouvert sur l'idée de transcendance et d'ouverture. C'est ce soufisme, qui a changé sa vie et l'a emmené sur le chemin de la paix et du "vivre ensemble", qui donne aujourd'hui à sa musique toute son originalité et à l'artiste engagé, qu'il est, tout son succès. Un succès qu'il a voulu dédier à son "alchimiste", Sheikh Sidi Hamza Al Qâdiri Al-Boutchichi, dans le dernier morceau de la soirée. En deux phrases, tout était dit : "J'étais mort et tu m'as ramené à la vie. Je n'étais rien ou quelque chose qui s'en rapproche".