Les pays du Sud sont plus que jamais confrontés au grand défi de la fracture urbaine, de l'exclusion, de la précarité sociale et de la faible capacité d'intégration des villes, a affirmé, mercredi à Nairobi, le ministre de l'Habitat, de l'Urbanisme et de l'Aménagement de l'Espace, M. Ahmed Taoufiq Hejira. "La croissance urbaine accélérée dans un contexte de raréfaction et de cherté du foncier, en raison notamment d'un inégal accès aux ressources foncières et du monopole exercé par des groupes minoritaires, est l'un des principaux défis qui se posent avec acuité", a déclaré M. Hejira lors d'une communication sur "le défi urbain et l'accès du plus grand nombre au foncier et au logement", un thème qui est au cœur de la thématique centrale de la 23ème session du Conseil d'Administration d'ONU-Habitat (11 au 15 avril). Trois enjeux majeurs d'ordre mondial, régional et national découlent de ces défis, a dit le ministre, saluant au passage le choix de la thématique de cette 23ème Session, qui se situe au centre des préoccupations majeures des pays du Sud en matière d'établissements humains. "Le Maroc fait face à une urbanisation accélérée et à une forte concentration littorale, dans un contexte de migrations internes et internationales, en plus de la complexité des statuts fonciers et des systèmes d'information et de mobilisation du foncier", a-t-il souligné. M. Hejira a, à ce propos, rappelé le discours royal historique du 9 mars dernier qui a lancé un grand chantier de réforme constitutionnelle, dans un cadre de larges concertations entre tous les acteurs de la société marocaine et au menu de laquelle se trouve la consécration du droit à un logement décent. Au niveau de l'Afrique, M. Hejira a notamment précisé que le Continent enregistre la première concentration de bidonvilles à l'échelle mondiale, le rythme le plus élevé en termes d'accroissement et le plus faible taux de résorption. Ceci s'ajoute à une extrême faiblesse des ressources publiques allouées aux infrastructures et aux services de base et des politiques foncières inadaptées, en raison de la complexité des systèmes juridiques et de l'absence d'outils normatifs. L'urbanisation au niveau international est surtout caractérisée par une augmentation de la population des bidonvilles qui a dépassé un milliard d'habitants en 2010 et qui atteindra 2 milliards en 2030, outre une aggravation de la pauvreté et la précarité croissante des couches défavorisées. A cela s'ajoute une défaillance des politiques publiques en matière de fourniture d'infrastructures, de services de base et de logements, combinée à la faible prise en compte de politiques de prévention, ainsi qu'une augmentation des flux migratoires nationaux et transnationaux et leur pression sur l'urbain, a-t-il dit. Face à ces nombreux défis, M. Hejira a recommandé la réforme des systèmes fonciers en termes d'innovations pour améliorer les modes de gestion des terres et faciliter l'accès au sol à l'ensemble des couches de la société, l'utilisation rationnelle du sol urbain, qui privilégie la densification optimale pour mieux rentabiliser les équipements d'infrastructures, de services et de transports et le renforcement des pouvoirs locaux pour promouvoir un processus de prise de décision participatif, partagé et responsable. Il a, de même, recommandé le renforcement du rôle des élus, de la société civile et des groupes communautaires dans l'élaboration et la mise en oeuvre des projets urbains, le renforcement des systèmes de production de l'économie urbaine par l'intégration progressive de l'économie informelle, outre la promotion et l'accompagnement d'une gestion spatiale respectueuse de l'environnement, qui tient compte de la fragilité des milieux et des changements climatiques et la prise en compte des Objectifs du Millénaire pour le Développement dans le cadre de la mise en Âœuvre des politiques publiques. Et M. Hejira de faire constater qu'en dépit de la situation de crise, dans un contexte de mondialisation caractérisée par la montée des tensions, les villes demeurent des atouts incontournables et sont aujourd'hui le principal moteur de la croissance économique. "En fait, la ville doit être appréhendée plus comme un atout que comme un problème et doit apporter, au plan institutionnel, les réformes à même de la transformer en un espace de production, d'inclusion et de développement durable", a conclu le ministre. La 23ème session du Conseil d'administration de l'Organisation des Nations Unies pour les établissements humains (ONU-Habitat) se tient du 11 au 15 avril dans la capitale kenyane avec la participation de délégations de plus de 86 pays, dont le Maroc. Elle a pour thème "Instaurer un développement urbain durable en assurant plus largement un accès équitable à la terre, au logement, aux services de base et aux infrastructures".