"Je me sens fort de mon Maroc, fort de mon histoire, longue série d'additions de mon judaïsme, de la civilisation berbère en y ajoutant la rencontre avec la grande civilisation arabo-musulmane ", a affirmé M. André Azoulay, président de la fondation Anna Lindh. Dans un entretien, paru vendredi dans le quotidien +Le Matin du Sahara et du Maghreb +, en marge de sa participation les 15 et 16 mars, à une rencontre de l'UNESCO consacrée à la région de l'Oriental et au projet d'inscription de la ville de Figuig au patrimoine culturel mondial, M. Azoulay a souligné que "nous avons au Maroc une très belle histoire qui doit résister aux assauts de l'instant et nous devons nous réapproprier la totalité de nos histoires qui sont toutes légitimes". Toutefois, il a relevé que "nous sommes dans un environnement qui est celui de la régression et de l'archaïsme". "Quel recul que celui d'avoir à réaffirmer, à écrire, à théoriser, à faire des forums, à convoquer les Nations unies, l'Unesco pour dire que cette théorie scélérate du choc des civilisations, du repli identitaire, de la frilosité communautaire est un non-sens !", a-t-il martelé. "Quand on se retrouvait avec mes collègues, on débattait entre marxistes et libéraux, mais rarement pour savoir si juifs, musulmans et chrétiens devaient se poser la question de savoir s'ils devaient s'asseoir dans la même salle et, éventuellement, construire quelque chose ensemble. C'est pour cela que je dis que nous avons collectivement reculé et nous en partageons tous la responsabilité", explique M. Azoulay. "Certains pensent que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, que nous n'avons pas besoin de convoquer nos mémoires et nos histoires", a-t-il fait remarquer, ajoutant que "nous avons la responsabilité de parler de notre histoire, de notre mémoire, de cette citoyenneté qui est celle d'un mode de vie, de relations sociales, d'altérité que je crois être l'habit de cérémonie qui va le mieux à mon pays, le Maroc". Mais, a-t-il poursuivi, cela ne se décrète pas, c'est une prise de conscience collective et la société civile a un rôle majeur dans ce défi. "Nos gouvernants sauront faire aussi bien que possible si la société civile est la sentinelle la plus exigeante, la plus lucide, la plus déterminée à ne plus céder sur aucune des facettes qui sont constitutives de ce qu'est la citoyenneté, la personnalité marocaine, drapée de toutes ses diversités et ses différences", a-t-il expliqué. Evoquant Essaouira, M. Azoulay a décrit cette ville comme "une belle et grande histoire, pierre fondatrice de cette universalité marocaine que beaucoup d'autres villes marocaines pourraient revendiquer. Cette histoire a été négligée suffisamment longtemps, au point où la cité s'est installée dans une situation de crise profonde". Et d'ajouter que "le patrimoine, ce n'est pas seulement de vieilles pierres muettes, mais des pierres qui ont de très belles histoires à nous raconter et qu'il fallait faire parler". "Ces vieilles pierres ont vécu de belles choses dans la rencontre, dans la convergence entre le judaïsme, l'islam et la grande civilisation berbère, point de jonction entre les Hakkas et les Chiadmas avec au milieu une médina, une ville dessinée par le Roi Mohamed Benabdellah III", a-t-il rappelé.