"Femmes marginalisées et insertion sociale", l'ouvrage que vient de publier la chercheuse Fatima Sadiqi à l'occasion de la journée de la femme, n'est nullement une énième publication sur les conditions de la femme, mais une véritable radioscopie d'une société arabo-musulmane où la femme peine à s'affranchir de l'éternel " second rôle ". Au fil de ses 200 pages, l'ouvrage, publié aux éditions "Imprimerie Imagerie Pub Neon", alterne à la fois études théoriques et pratiques du phénomène de la marginalisation des femmes pour y proposer des pistes de réflexion sérieuses et énumérer des issues tangibles. Ce volume, composé de sept articles en arabe, six en français et quatre en anglais, conçoit la marginalisation, comme le souligne Mme Sadiqi à la MAP, en tant qu'"exclusion des sphères de décisions familiale, sociale, économique, juridique, et politique ". Une exclusion qui est vécue " de plus ou moins difficilement selon les normes sociales et culturelles, ainsi que le degré d'influence que ces normes exercent sur les individus ". Dans son raisonnement, Mme Sadiqi, ne manque pas de fustiger, par exemple, le décalage " flagrant " entre les préceptes libératoires et universalistes du Saint-Coran et les pratiques discriminatoires et ambivalentes des sociétés. Un long et périlleux chemin se dresse alors devant la femme quand il s'agit de libérer les mentalités, avec ou sans les réformes des codes de la famille. Dans cet ordre d'idées, l'ouvrage est pour le moins révélateur. Pas moins de sept articles tirent dans ce sens le signal d'alarme des conséquences " très néfastes " de la marginalisation sur la femme, la famille et la société. D'abord, l'article de Malika Akham de l'université de Blida (Algérie) qui déplore la situation des femmes marginalisées en Algérie. Ensuite, Hakima Hatri de l'université Al-Qarawiyyine qui fait le lien entre le fléau social des enfants laissés pour compte et la marginalisation des femmes. Amina Magdoud de la faculté de droit de Fès a choisi, elle, de surfer sur cette même vague, en faisant le point sur la situation des mères célibataires. Zhor Houti de la faculté des lettres Saiss de Fès jette, quand à elle, la lumière sur un sujet très peu débattu : les femmes de ménage, " bonnes " à tout faire. Un voyage " loin de tout repos " emmène le lecteur au Yemen, où Afraa Hariri du centre d'aide sociale d'Aden dresse la situation dramatique des femmes marginalisées dans ce pays, où elles sont prises entre le poids accablant des traditions et la pauvreté extrême. Tout près du Yemen, les Saoudiennes ne dérogent pas à la règle. Fawziah Al-Hany, du Réseau des droits humains d'Arabie Saoudite fait le point sur la marginalisation " dramatique" des femmes dans ce pays. Enfin, la chercheure Annie Maléo N'Durabo, de la RDC, propose une comparaison de la discrimination des femmes et jeunes filles congolaises d'avant l'époque coloniale, pendant et après le cinquantenaire de l'indépendance du pays. Toutefois, la radioscopie proposée par l'ouvrage n'est pas si sombre. Il relève, dans ce sens, que " des droits légaux ont été enregistrés, les mentalités changent doucement, une meilleure compréhension de l'esprit de l'Islam est de plus en plus réclamée, et l'espace religieux est de plus en plus ouvert aux femmes, les médias et le septième art s'adaptent de plus en plus aux progrès". Des lueurs d'espoir qu'on aperçoit dans les articles de Sanja Kelly de " The Freedom House, New York ", de l'Algérienne Dalila Berraf, de Sara Borillo de l'université de Milan et d'Amel Grami, de l'université Manouba. Tant d'aspects positifs et de percées louables qui mènent à réfléchir sur les solutions à adopter. Trois articles éclairent le lecteur sur ces pistes à suivre. L'article de Moha Ennaji, de l'Institut international des langues et cultures, avance que seule " une éradication de toutes les formes de violences à l'égard des femmes marocaines permettrait une lutte contre leur marginalisation ". Férial Bouthagou, de l'université de Florida International (USA), aborde, lui, la question de la représentation de la marginalisation à travers le cinéma en Algérie, comme forme de compréhension d'une société où domine le déni de réalité. Fatima Sadiqi apporte aussi son grain de sel dans cette quête de pistes de réflexion. Elle braque les projeteurs sur les médias qui constituent, pour elle, un " vecteur puissant pour libérer les mentalités, accroître la confiance en soi et déraciner la marginalisation des femmes ". Et pour boucler la boucle, trois autres articles s'attardent sur la prise de conscience des gains des femmes dans la recherche des solutions au phénomène. C'est le cas de Maria José Moreno Ruiz de GTZ Maroc, qui présente l'égalité entre les sexes comme un processus qui se construit dans le respect mutuel des droits, mais aussi d'Andréane Gagnon de l'université de Montréal, qui aborde le sujet de " l'information à la sexualité " et d'Oliva Espin de l'université de San Diego (USA), qui estime que la marginalisation " enseigne et offre des leçons de persévérance et de volonté de vaincre son destin".