Après la saisie, en octobre dernier au port de Lagos (Nigéria), d'une cargaison d'armes à bord d'un navire en provenance d'Iran, Téhéran vient de subir, mercredi, une deuxième rupture des relations diplomatiques de la part de Dakar qui intervient après celle de Banjul (Gambie). - Par Driss Hidass- D'après les premiers éléments de l'enquête à Abuja, les 13 conteneurs, inscrits au registre comme "matériaux de construction" et contenant diverses catégories d'armes et des munitions pour gros calibres, étaient destinés à la Gambie. Aussitôt, la Gambie s'est défendu d'être le destinataire de cette livraison d'armes et décide, le 22 novembre, de rompre ses relations diplomatiques et économiques avec l'Iran. Peu de temps après, le Sénégal est monté au créneau en raison de soupçons sur la véritable destination de ces armes. La presse sénégalaise qui faisait sa "Une" sur cette affaire, affirmait alors que les autorités sénégalaises avaient de "sérieux doutes" sur le fait que ces armes étaient plutôt destinées aux groupes armés du mouvement séparatiste en Casamance, le MFDC qui sévit en maquis dans plusieurs zones du sud du pays. Le Sénégal avait décidé, le 14 décembre dernier, de rappeler en consultation son ambassadeur à Téhéran, suite à cette affaire. "Le Sénégal, fidèle aux exigences de paix et de sécurité qui doivent gouverner les relations entre Etats et estimant que les explications fournies sur cette affaire par la partie iranienne ne sont pas satisfaisantes, a décidé de rappeler en consultation son ambassadeur en République Islamique d'Iran", indiquait un communiqué de la diplomatie sénégalaise. Le Sénégal avait exprimé, à ce sujet, "ses graves préoccupations en raison de la menace qu'une telle opération fait peser sur la paix et la sécurité de la sous région". La région de la Casamance, sud du Sénégal aux frontières avec la Gambie, est souvent le théâtre d'attaques menées par des éléments armés du Mouvement des Forces démocratiques de Casamance (MFDC), un groupe séparatiste armé revendiquant "l'indépendance" de cette partie du territoire sénégalais. A la faveur d'un accord de cessez-le feu conclu en 2004, la région de Casamance a connu une accalmie jusqu'à 2010 où des groupuscules ont renoué avec les attaques armées. La recrudescence des attaques et leurs ampleurs sont allées crescendo durant les derniers mois. Avec une énième attaque meurtrière, dimanche dernier, qui a fait trois morts et plusieurs blessés dans les rangs de l'armée sénégalaise, Dakar affirme enfin avoir la preuve que les armes iraniennes sont bel est bien impliquées dans la reprise des affrontements armés en Casamance. "Un rapport fait au président de la République (Abdoulaye Wade) par l'état-major de l'armée sénégalaise sur les récents développements en Casamance a démontré que les rebelles du MFDC disposent d'armes sophistiquées qui ont causé la mort de soldats sénégalais", indique un communiqué du ministère sénégalais des affaires étrangères rendu public ce mercredi. "Le Sénégal est indigné de constater que des balles iraniennes ont pu causer la mort de soldats sénégalais", précise, à ce sujet, le même document qui annonce la rupture des relations diplomatiques avec Téhéran. Cité dans le communiqué, le ministre sénégalais des Affaires étrangères, M. Madické Niang explique à ce sujet que l'Iran a reconnu, par la voix de son chef de la diplomatie, lors d'une audience avec le président sénégalais, M. Abdoulaye Wade, "a eu à livrer plusieurs fois d'importants lots d'armes à la Gambie". Selon la même source, le chef de la diplomatie iranienne a, en outre, reconnu que "les cargaisons saisies en novembre dernier au Nigeria contenaient des munitions et étaient aussi destinées à la Gambie". En conséquence, "le Sénégal décide de rompre ses relations diplomatiques avec la République d'Iran, à compter de ce jour 22 février 2011 à minuit", annonce le communiqué du ministère sénégalais des Affaires étrangères.