L'écrivain Hassan Najmi ressuscite, à travers son nouveau roman "Gertrude", qui retrace le séjour de l'écrivaine américaine Gertrude Stein dans la ville de Tanger, le climat cosmopolite de la ville du Détroit lorsqu'elle se prévalait de son statut international en tant que réceptacle de talents et de créateurs de tous bords. Par Leila El Wadi A travers un jeu narratif bien ficelé, l'écrivain a réussi à faire découvrir le train de vie quotidien de l'écrivaine américaine Gertrude Stein (1898-1948) depuis le tout début de sa visite dans la ville en 1912, en faisant une immersion dans l'environnement fascinant de la ville avec moult réminiscences et images nostalgiques où s'entremêlent fiction et réalité. Dans son œuvre, éditée par le Centre culturel arabe, l'écrivain tisse la trame narrative à partir de faits réels, à savoir le séjour de la dramaturge américaine dans la ville du Détroit pour nous mener au fil de ses pérégrinations en compagnie de son ami marocain Mohamed, qui lui a fait découvrir les tréfonds secrets de la cité. En se basant sur l'ouvrage autobiographique de Gertrude Stein, Hassan Najmi donne ensuite libre court à l'imaginaire pour conférer au personnage de Mohamed les contours d'un personnage fascinant qui porte témoignage du faste et du charme qui enveloppaient le cadre de vie à Tanger de l'époque, avec au détour un tableau décrivant le microcosme parisien à l'époque. La compagnie entre l'écrivaine américaine et le personnage de Mohamed est de fil conducteur pour sonder les états d'âme et les intenses moments existentiels de ce couple peu conventionnel, distillant au passage une certaine vision du monde environnant en ce qui a trait aux aspects culturel, social et artistique. L'écrivain revisite ainsi des pans entiers de l'existence de Gertrude Stein, notamment ses relations avec de grands noms comme Matisse, Picasso, Apollinaire et Hemingway entre autres. En arrière-fond de cette histoire, se profile également une autre relation tourmentée entre le narrateur, un familier de Mohamed retourné de Paris fort éprouvé par sa déconvenue en terre d'exil, et une certaine Lydia, en poste à la mission diplomatique américaine. Le narrateur fait de la sorte un travail de reconstitution des lambeaux de vie de Mohamed en sollicitant les souvenirs de celui-ci et en sondant les écrits de Gertrude Stein elle-même. Cette œuvre qui constitue le deuxième romain de Hassan Najmi après le roman "le Voile" (1996) s'arrête sur des séquences très allusives, en particulier la série de séances que l'artiste peintre Picasso a consacrées pour faire le portrait de Gertrude Stein (soit 87 séances) . Le romancier Hassan Najmi confie à cet égard avoir emprunté aux techniques de construction cinématographique pour ressusciter l'ambiance de la ville du Détroit lorsqu'elle était un carrefour créateurs mondialement connus. Les techniques narratives empruntées au cinéma apparaissent également à travers le mode de présentation des portraits des différents personnages clés qui meublent le roman. Il s'agit, a expliqué l'auteur, d'une démarche narrative qui rompt avec les thématiques traditionnelles abordées par la plupart des écrivains marocains, en ce sens qu'elle sort du cadre local pour embrasser des thèmes de dimension universelle. Hassan Najmi, natif de la ville de Ben Ahmed en 1960, a été journaliste à " Al Ittihad Al Ichtiraki", puis responsable du supplément culturel de la même publication (1984-1999), avant d'exercer dans l'enseignement à l'Ecole normale supérieure à Rabat. Il a été ensuite nommé directeur à la Direction du livre, des bibliothèques publiques et des archives depuis 2008. Il a été élu président de l'Union des écrivains du Maroc pour deux mandats successifs (1998/2005) et a été porté en 1996 à la vice-présidence de Bait Achi'r (Maison de la poésie), puis à sa présidence en 2007. Connu d'abord comme poète, Hassan Najmi est l'auteur de plusieurs œuvres poétiques. Il est décoré du Wissam de mérite national de catégorie exceptionnelle (2005) et a été primé du prix Rocca Flea de poésie (Italie) pour son recueil "Al Mostahimmate" (Les baigneuses) en 2009.