Le Festival international du film de Marrakech, qui boucle cette année sa première décennie, rend un devoir de mémoire pour Larbi Doghmi, l'homme qui a su marquer de son empreinte le cinéma et le théâtre nationaux et s'élever à l'universalité par ses participations à de grosses productions mondiales. Par Hassan Saoudi Quand la cité ocre se rappelle du défunt, elle ne rend pas seulement un hommage posthume à l'un des pionniers de la scène artistique marocaine, mais elle honore un symbole des premières gestations du cinéma national et un membre de la génération qui a consenti de grands sacrifices pour baliser le terrain devant les jeunes talents, qui portent aujourd'hui l'étendard de cette cinématographie. La mémoire du Haj Larbi Doghmi est omniprésente au dixième FIFM. Son fils et son frère sont là pour garder allumée la flamme de son souvenir. Il est au centre des discussions de ses compagnons de route, qui ont partagé avec lui les souffrances des débuts. Ses disciples ne tarissent pas d'éloges pour le "maître" qui les a généreusement pris en main aux plans professionnel et surtout humain. Des noms comme Larbi Doghmi sont les porte-voix du génie marocain dans le domaine de l'écriture et de l'art pleins de vie et d'espérance. Sa carrière éloquente en dit long sur son apport à l'édifice du monde du spectacle au Maroc. En témoigne son apparition, au milieu des années 1970, dans le film "L'homme qui voulut être roi", aux côtés du géant Sean Connery. Beaucoup de ses congénères ont fait le déplacement à Marrakech, à leur tête Abdellah Chekroun, celui qui a partagé avec le défunt les errements et les premiers succès du théâtre et de la télévision au Maroc. L'expérience de feu Doghmi "ne peut être comptabilisée en termes d'années (plus de deux décennies), mais par les réalisations et la stature atteinte par un artiste comme Doghmi", a souligné M. Chekroun, qui fait partie de la génération des précurseurs. "Doghmi est resté dans les annales du paysage artistique marocain grâce à son talent dans tous les domaines d'expression. C'est quelqu'un qui a fait l'étalage de toute l'étendue de son savoir-faire", a-t-il poursuivi. Le cinéaste Mohamed Ismail, dont l'enfance a été marquée par la carte rendue par le défunt dans les feuilletons radiophoniques, se souvient de son émotion quand il croisait Haj Larbi Doghmi dans les locaux de la radio où il a fait ses premiers débuts dans le monde de l'audiovisuel.
"Larbi Doghmi était l'un des grands créateurs avec qui j'ai travaillé dans les productions radiophoniques et télévisuelles auxquelles j'ai collaboré", a raconté Mohamed Ismail, relevant que c'était un artiste "complet" dont le courage inédit lui a ouvert et à d'autres "de vastes horizons pour travailler dans des productions mondiales". L'acteur et réalisateur Ahmed Boulan déplore que les jeunes d'aujourd'hui "ignorent ou feignent ignorer un tel monument" qu'il a côtoyé dans les années 70 du siècle dernier, quand il a campé le rôle de son fils dans l'un des travaux de la troupe nationale de Dar Labrihi (actuelle SNRT). Il a raconté avoir projeté de collaborer avec Larbi Doghmi, qu'il considère comme "un père spirituel", dans les productions qu'il comptait monter. Mais, le destin en a décidé autrement. L'acteur Salheddine Benmoussa a relevé que le défunt constituait, à lui seul, " une école" dans le domaine de l'expression artistique et du jeu, que ce soit en arabe classique ou dans le dialecte marocain, estimant que cette école continue de survivre à la faveur des Âœuvres qu'il a léguées, en compagnie d'un autre géant de la télévision, feu Abderrazak Hakam. Benmoussa se remémore certains faits de l'histoire : Le défunt, connu par sa voix exceptionnelle, est un aventurier qui ne reconnaissait pas l'impossible. Il a toujours caressé le rêve de produire une épopée nationale réunissant des acteurs et des chanteurs à l'occasion du 1er anniversaire de l'indépendance à Laâyoune. Il a financé de ses propres moyens une série d'Âœuvres cinématographiques comme il a joué gracieusement dans plusieurs autres. Avec ses innombrables qualités, feu Larbi Doghmi ne peut que servir d'exemple pour l'ensemble des générations, notamment aux artistes de la nouvelle vague du théâtre marocain. Latifa Ahrare, qui en fait partie, considère le défunt comme un des artistes éternels et une valeur ajoutée à l'art et à la création marocains, dont le souvenir est gravé à jamais dans la mémoire collective nationale. Les fils jumeaux de Larbi Doghmi Hassan et Mohssine sont revenus sur quelques anecdotes de leur père, le présentant comme "un père très affectueux et un homme élégant, pondéré et aimant son prochain". Le Festival international du film de Marrakech a choisi, cette année, de rendre hommage à feu Larbi Doghmi et au réalisateur Abderrahmane Tazi, une autre figure de proue du cinéma marocain.