Le rapport stratégique marocain, publié récemment par le Centre des études et de recherches en sciences sociales (CERSS), a mis en avant les mutations intérieures intervenues entre 2006 et 2010, dans leur interaction avec les accumulations institutionnelles et la vie politique, économique, sociale et culturelle. Le rapport souligne la place de l'institution monarchique en tant qu'acteur stratégique attaché à l'organisation de la vie politique nationale à travers la mise à niveau des partis, l'orientation du travail législatif dans le sens de la mise en place d'une action parlementaire crédible, l'encadrement de la marche du gouvernement en délimitant ses orientations et le suivi de ses activités tout au long du mandat, tout en insistant sur la réforme de l'administration, la moralisation et l'encouragement de l'investissement. Les gouvernements successifs depuis 2002 ont veillé sur la continuité des différents types de réformes et des programmes, sur la voie tracée par le "gouvernement d'alternance", note le rapport, qui fait état de développements majeurs sur la scène politique, particulièrement partisane, avec des changements au sein des principales formations (PI, USFP, PJD, RNI, MP) et des mouvements radicaux de gauche. Le document relève, en outre, une effervescence au niveau de la société civile avec le foisonnement des "entités" associatives et la prolifération des initiatives pionnières en tirant profit des changements à l'oeuvre sur la scène politique. Tout en soulignant la baisse du taux de participation aux communales du 12 juin 2009, alors que le Maroc connaît une affluence importante à ce scrutin, contrairement à la majorité des pays, le rapport met le projecteur sur le système de l'unité de la ville en tant que principale nouvelle donne en matière de gestion locale, de même qu'il enregistre des avancées dans le domaine de l'aménagement du territoire et de l'environnement, conditionnant le progrès dans ce secteur à la régulation de l'intervention des différents acteurs, sur la base d'une approche globale et intégrée. Au plan économique, le rapport mentionne les mesures prises par l'Etat en vue d'améliorer les indicateurs à travers une série de programmes, comme "Emergence" et "Plan Maroc Vert", faisant part du développement des secteurs productifs, de la maîtrise des indicateurs macro-économiques, de la hausse des recettes publiques et de l'augmentation des investissements étrangers. Une analyse de la conjoncture économique durant cette période fait ressortir une évolution tangible de plusieurs activités et la réussite des pouvoirs publics à maintenir les équilibres, selon les auteurs du rapport, qui estiment que le Maroc sera confronté, à l'avenir, à de grands défis à cause des remous de la crise économique mondiale. Le rapport considère le lancement de l'Initiative nationale du développement humain (INDH) comme "la décision politique capitale" dans le domaine social entre 2005 et 2009, sans omettre la dynamique enclenchée dans les secteurs de la santé et de l'éducation, notamment à travers l'adoption du programme d'urgence pour la réforme de l'enseignement, en tant que résultante des enseignements tirés de la décennie de la Charte nationale "qui a épuisé ses possibilités et son élan". Les mutations dans le secteur des médias, suite à la libéralisation du secteur audiovisuel et l'émergence de l'initiative privée, posent des problématiques de fond en liaison, notamment, avec le statut des médias publics et leur capacité d'opérer un véritable changement, loin de la notion de médias officiels mais en phase avec celle du service public, aux côtés des interrogations sur la valeur ajoutée apportée par les opérateurs privés détenteurs de la première génération des licences d'exploitation de service radiophonique. Le rapport stratégique, qui a mis à contribution 37 chercheurs, s'attache aussi sur la polémique autour des missions et du référentiel de l'IRCAM et le débat que suscitent désormais les rapports internationaux sur le Maroc. En conclusion, le CERSS, qui publie ce rapport depuis 1995, prévoit, à moyen terme, la poursuite de l'Âœuvre de changement qui reste ouverte sur plusieurs scénarii, écartant une détérioration brusque de la situation car la "mécanique" marocaine (administration, structures de l'Etat, secteur privé, société civile, élites et individus) a démontré une capacité d'adaptation et de régénération face aux crises.