Une camera. C'est la seule arme dont disposaient deux réalisateurs australiens pour révéler au monde entier l'atrocité des pratiques d'asservissement et d'esclavage en usage dans les camps de Tindouf, en territoire algérien. (Par Hanane Berrai) Le documentaire Stolen, projeté vendredi soir à Londres, a éclairé, à coup de témoignages poignants d'une communauté privée de tous les droits vitaux, les esprits trompés par une propagande fallacieuse répandue par de prétendus défenseurs des libertés. Initialement partis dans les camps réaliser un documentaire sur les échanges de visites familiales parrainés par l'ONU, Violeta Ayala et Dan Fallshaw ont été choqués par la misère et les pratiques cruelles auxquelles est soumise une partie des habitants des camps. "Dans les camps de Tindouf, nous avons découvert des réalités tout à fait différentes de celles auxquelles nous nous attendions", a déclaré Violeta. Au risque de contredire la volonté des sbires du polisario qui voulaient, comme à l'accoutumée, un film de propagande pour jeter la poudre aux yeux, les jeunes réalisateurs ne pouvaient passer sous silence cet esclavage, devenu le thème central de leur documentaire. "Nous nous sommes sentis obligés de révéler cette réalité au monde, non seulement par obligation morale mais également parce que c'était un vÂœu de jeunes personnes souhaitant faire parvenir leurs cris au-delà du désert dans lequel ils sont confinés", ont expliqué les réalisateurs, qui manifestaient, ainsi, leur refus de "devenir complices de la perpétuation de l'esclavage dans les camps de Tindouf", selon les propres termes de Violeta Ayala. Fetim et son entourage familial furent au centre de ce documentaire, dans lequel ils s'efforçaient d'évoquer un sujet tabou, leur servitude. Enfants et petits enfants de parents enlevés, dans le temps, en Afrique subsaharienne pour être vendus par des trafiquants d'êtres humains, ils se sont retrouvés à leur tour entre les mains de "maitres", seuls à même de décider de leur destinée. Fetim ne fait pas exception à cette règle, pour le moins que l'on puisse dire inhumaine. Séparée de sa mère depuis une trentaine d'années à cause de pratiques esclavagistes, elle continue de se plier ainsi que son entourage aux quatre volontés de ses maitres. La progéniture de Fetim est également exposée à cette pratique moyenâgeuse, "les esclaves" n'ayant pas de droits sur leurs enfants qui peuvent être donnés en offrande à des amis ou à la famille du maître. Etant la propriété du maître, "l'enfant né d'une mère esclave est un esclave". Il porte alors un prénom d'"esclave" et le nom de famille du maitre qu'il sert. Violeta Ayala était choquée de voir Fetim, le jour même où elle allait voir pour la première fois sa mère depuis plus de 30 ans, arriver la dernière à sa rencontre après s'être acquittée de ses devoirs vis-à-vis de Deido, sa "propriétaire". Pire encore, étant "des esclaves", les frères et amis de Fetim n'ont, normalement, pas le droit d'égorger le chameau acheté à l'occasion de la visite de la mère de Fetim et sa sÂœur parce que cet honneur n'est confié qu'aux "maitres". Les manifestations de discrimination et de racisme prenaient différentes formes dans les camps de la honte, même parmi les enfants qui traitent leurs congénères de "singes". Le sujet reste tabou, mais l'espoir de s'en libérer reste plus grand. "Si tu parles d'esclavage, ils te jettent en prison, ou tu disparais tout simplement", affirme un parent de Fetim. +Les sbires contre Stolen+ Prenant conscience de la nature du film que les réalisateurs australiens tournaient dans les camps de la honte, les myrmidons séparatistes ne pouvaient rester les bras croisés face à une Âœuvre qui risquait de rajouter à leur discrédit au regard de la communauté internationale. Tous les moyens furent bons pour arriver à leur but. Les hommes de main du polisario ont commencé par arrêter Violeta et Dan, qui ont du dissimuler leurs 200 heures d'enregistrement dans le désert pour les protéger de mains malveillantes, dans un pays (l'Algérie) que Violeta qualifie comme étant "l'un des plus dangereux pour les journalistes". Les deux réalisateurs ont été libérés grâce à l'intervention de l'ONU et de l'ambassade d'Australie à Paris. Le polisario a également orchestré toute une campagne pour discréditer le film, laquelle campagne a fini par médiatiser davantage +Stolen+. Après avoir échoué à enterrer le documentaire, ils ont cherché à remettre en cause la véracité des témoignages qui y figurent, des fois accusant les réalisateurs d'avoir versé de l'argent aux antagonistes, d'autres fois en jetant le discrédit sur les traductions effectuées. Le coup de théâtre a été de ramener, le jour de la première du documentaire à Sydney, Fetim des camps de Tindouf pour reconnaitre, la peur au ventre, qu'elle n'a fait qu'interpréter un rôle et que l'esclavage n'existe pas dans les camps. Pourtant, martèle Violeta, en décembre 2008, Human Rights Watch a publié un rapport établissant l'existence de l'esclavage dans les camps de Tindouf. Tous les stratagèmes du polisario pour empêcher les cris des esclaves du 21ème de parvenir au monde ont été voués à l'échec. Le documentaire a récolté plusieurs prix lors de manifestations internationales (festival du film panafricain à Los Angeles, festival du film de Porto Rico...etc). Il interpelle toutes les personnes ayant la conscience vive. La vedette du petit écran américain, Oprah Winfrey, envisagerait de diffuser le documentaire lors de son émission, selon Violeta. Les jeunes réalisateurs ne baissent pas les bras. A chaque fois que l'occasion se présente, ils n'hésitent pas à jouer de tous leurs arguments pour mettre fin au calvaire "des esclaves" des nouveaux temps.