A travers sa politique de régionalisation avancée, "le Maroc ambitionne de devenir un modèle pertinent pour des pays comparables" et démontrer qu'elle n'est pas l'apanage des pays riches, a affirmé, jeudi à Strasbourg (Est de la France), M. Frédéric Rouvillois, éminent professeur français de droit public. "Ce que se propose le Maroc en la matière, c'est de constituer une +avant-garde+ indiquant la direction à d'autres pays, dès lors que ceux-ci présentent des similitudes suffisantes, notamment en termes de développement", a ajouté M. Rouvillois, lors d'une table-ronde organisée par l'Ecole nationale d'administration (ENA) de Strasbourg, sous le thème "Régionalisation et développement politique au Maroc". Cette volonté du Maroc, vise "à prouver qu'à condition d'être convenablement encadrée, soigneusement préparée et assortie d'une réelle déconcentration, une régionalisation avancée n'est plus un luxe inabordable réservé aux pays riches", a relevé l'expert français, qui enseigne notamment à l'Université Paris Descartes. Cette table-ronde à l'ENA, pépinière des élites de la haute administration en France, a permis à des experts marocains et français de montrer les aspects novateurs et audacieux de l'initiative royale confiée à l'examen de la Commission consultative de la régionalisation (CCR). Outre M. Rouvillois, la rencontre a été animée par le Pr. Abdelhamid El Ouali, expert international en matière de régionalisation et membre de la CCR, M. Abdelkrim Bezzaa, haut cadre au ministère de l'Intérieur, le Pr. Charles Saint-Prot, Directeur de l'Observatoire d'études géopolitiques (OEG-France), et le Pr. Thierry Rambaud, directeur des études à l'ENA. La régionalisation avancée, en cours d'élaboration au Maroc, a été ainsi expliquée à des étudiants de l'ENA au cours de cette table-ronde faisant partie du programme du cycle supérieur de perfectionnement des administrateurs de la prestigieuse école française.
Au Maroc, l'unité du peuple est ancestrale
De son côté, le Pr. Charles Saint-Prot a souligné qu'"au Maroc, l'unité du peuple est ancestrale", ajoutant que l'on ne peut dire autant d'un pays du voisinage, où "des problèmes accrus d'autonomie persistent". Rappelant que "l'initiative royale a déclenché une nouvelle dynamique de réorganisation territoriale et de modernisation des structures de l'Etat", M. Saint-Prot a fait observer que l'essence même du projet de régionalisation avancée "est de réduire les inégalités entre régions et instaurer un système de solidarité garanti par l'Etat". En passant en revue la longue marche décentralisatrice initiée par le Royaume depuis plusieurs décennies, le directeur de l'OEG a relevé que "le Maroc a su secréter au cours de son histoire, un système administratif assez souple garantissant à la fois une formule spécifique d'unité nationale et une sorte de décentralisation avant la lettre".
Une volonté d'épanouissement du pays
Cette régionalisation avancée se fixe comme objectif de "permettre une décentralisation propre à favoriser l'épanouissement des potentialités de toutes les parties du Royaume et l'accroissement des responsabilités locales", a-t-il dit, devant une assistance formée en majorité de hauts cadres d'administrations françaises et étrangères. En somme, le Maroc vise à parachever l'édifice de son organisation administrative pour associer tous les acteurs du développement et conjuguer leurs efforts avec ceux de l'Etat, a noté M. Saint-Prot.
Un gage pour une gestion démocratique des affaires locales
Pour sa part, le Pr. Abdelhamid El Ouali a réaffirmé que le Maroc, fort de sa volonté ferme de modernisation, a choisi d'adopter une régionalisation avancée basée sur l'approfondissement de la gestion démocratique des affaires locales. De par le monde, "l'autonomie régionale tend à devenir une nécessité pour l'Etat qui est, du fait de la mondialisation, obligé de partager certains de ses pouvoirs avec les régions", a souligné M. El Ouali. Néanmoins, la région est conçue, dans la démarche du Maroc, comme un moyen de préserver l'unité nationale, un "acquis historique extraordinaire que peu de pays du Sud peuvent se targuer de posséder", a-t-il affirmé. L'engagement du Maroc pour la démocratie est une volonté irréversible, a-t-il argué, soulignant que le Royaume, riche d'une histoire séculaire et fort d'une société soudée autour de la Monarchie, est déterminé à aller de l'avant dans cette démarche. La régionalisation avancée requiert, de par sa nature, l'émergence de régions solidaires, viables et stables dans le temps, a souligné de son côté M. Abdelkrim Bezzaa. Conformément aux directives royales, la régionalisation élargie suppose des régions à part entière viables et stables dans le temps, fondées sur des critères rationnels et des réalités inhérentes à un système de régionalisation nouveau, a-t-il rappelé. "Autrement dit et comme l'avait souligné SM le Roi, la réussite de la régionalisation passe par l'adoption d'un découpage efficient propre à favoriser l'émergence de régions économiquement et géographiquement complémentaires et socialement et culturellement harmonieuses", a conclu M. Bezzaa. Introduite par le Professeur Thierry Rambaud cette table-ronde a donné lieu à un riche échange avec l'assistance grâce, notamment, à l'approche dynamique adoptée par les conférenciers. Outre des questions sur les spécificités marocaines et leur intégration dans un modèle régional défini, les intervenants dans le débat ont approfondi la refléxion sur différentes aspects qui montrent la nécessité pour le Maroc d'une régionalisation taillée à sa mesure et intégrant ses particularités et ses spécificités ancestrales.