Une omission qui a mis en émoi la communauté algérienne du Québec. « C'est de ma faute. J'avais prévu de parler de Fellag et une série d'autres personnes. D'ailleurs, j'ai dédié le Jutra du meilleur scénario à la communauté algérienne. Je ne lis pas de discours. J'y vais de mémoire. Devant des centaines de spectateurs et plus d'un million de téléspectateurs, il y a une nervosité qui s'installe. C'est moi, malheureusement, qui ai eu un petit oubli. Mais j'ai envoyé un mot à Fellag et je l'ai aussi remercié au gala des Génie à Toronto [les oscars canadiens, NDLR]. », a affirmé à El Watan le réalisateur québécois dont le film a été nominé dans neuf catégories. Philippe Falardeau a tenu aussi à dédouaner les organisateurs de la soirée de cet oubli qu'il trouve malheureux. Il a aussi relativisé l'incident. « Vous savez, Fellag n'est pas quelqu'un de très friand des médias ou de l'attention publique. C'est un homme de scène, un auteur et un homme de cœur. Je suis sûr qu'il n'aurait pas été offusqué si les Jutra ne l'avaient pas cité. Mais on l'a quand même mentionné. Il a été vu dans les extraits puisqu'il était nominé pour le prix du meilleur acteur », a-t-il expliqué pour remettre les choses dans leur contexte. « Alors, je m'excuse auprès de la communauté algérienne d'avoir oublié de nommer Fellag. », a-t-il dit à l'adresse des Algériens du Québec. Le jeune prolifique et multi-primé réalisateur a eu l'occasion de visiter l'Algérie en 2008 à l'occasion du festival du film québécois d'Alger. Il n'a pas eu la même chance en 1992 dans le cadre de l'émission de Radio Canada La course destination monde. Son projet est tombé à l'eau avec l'interruption du processus électoral en Algérie et le début de la décennie noire. Réactions Dimanche soir, donc, et contre toute attente, du moins au sein de la communauté des Algériens, Mohamed Fellag a été le grand oublié de la soirée des Jutra. Si certains contestent l'absence de l'acteur algérien dans la liste des lauréats des Jutra (il a été primé pour le même rôle aux Génie canadiens la semaine dernière), d'autres sont offusqués par sa non-visibilité dans la soirée. « Je savais que Fellag n'allait pas gagner le trophée du meilleur acteur. Mais Vanessa Paradis oui [Jutra de la meilleure actrice, NDLR]. Elle n'est pas immigrante. En tout, ils voulaient donner un coup de pouce à Gilbert Sicotte, Le vendeur [en compétition avec Fellag pour le meilleur rôle, NDLR]…L'animatrice de la soirée Sylvie Moreau, dans sa critique cynique, a appelé Monsieur Lazhar, Monsieur L'Arabe ! », affirme Lahouari Belmadani, chroniqueur au site de la communauté algérienne ksari.com. Un peu plus nuancé, Aissa Lamri, animateur de l'émission Montréal Labess à Radio Centre Ville estime qu'« à défaut d'être plébiscité Fellag aurait pu au moins être cité ». « Mais bon, c'est ça le Québec, tu es nul même si tu es bon. Mesquinerie? Discrimination? Xénophobie? Peut être tout ça à la fois. Fellag méritait au moins, pour la dimension qu'il a donné à ce film, d'être cité par Fallardeau au moment de recevoir son Jutra du meilleur film », a ajouté Aissa Lamri. Toutefois, Fellag était absent de la soirée – il est en pleine tournée en France avec son spectacle « Petits chocs des civilisations ». Marc Cassivi, chroniqueur aux pages culturelles du journal La Presse, trouve pour sa part que « c'est vrai qu'il n'en a pas été beaucoup question [à propos de Fellag, NDLR]. S'il avait été présent, j'imagine que ç'aurait été différent… ». « Malgré cela, je pense que Falardeau a aidé à réduire les stéréotypes d'hommes arabes… Il avait au moins l'audace d'en faire un personnage clé du film… », estime de son côté, Fo Niemi, directeur général du Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR). Communiqué Dans le tourbillon émotif de la soirée des Jutra, personne n'a fait mention de la contribution phénoménale et généreuse de Fellag. Je prends l'entière responsabilité d'avoir oublié de remercier publiquement mon ami, pour qui j'avais pourtant préparé un court mot. Je l'avais fait quelque jour auparavant en allant chercher son Genie à Toronto, mais cette portion était hors d'onde. Je souhaite dire à la communauté algérienne, à qui j'ai dédié mon Jutra du meilleur scénario dimanche soir, qu'on ne saurait voir dans cet étourdissement un refroidissement de mes relations avec Fellag, ni un pied de nez aux Algériens. J'ai consacré les trois dernières années de ma vie à raconter l'histoire d'un immigrant algérien à Montréal à travers un personnage d'une grande humanité et d'une grande dignité, des qualités que j'attribue volontiers au grand Fellag. Philippe Falardeau 13 mars 2012 Samir Ben Al watan