Par : Mohammed MRAIZIKA (Chercheur en Sciences Sociales et en Ingénierie Culturelle) La diaspora tunisienne a voté (les 20-21 et 22 octobre) dans l'enthousiasme et avec le sentiment de participer à un acte citoyen, historique et fondateur : la construction d'un Etat démocratique. Ce vote (par CIN ou passeport, un seul tour) représente assurément un signe fort de la confiance et la considération que la Nouvelle Tunisie accorde à sa diaspora : six circonscriptions lui ont été réservées à travers le monde et 18 (sur 217) de ses membres siégeront au sein de la future Assemblée Constituante. Ce moment unique, ce fruit de « la révolution de Jasmin », que les tunisiens de l'étranger célèbrent aujourd'hui à l'instar de leur compatriotes de l'intérieur, toutes les diasporas arabes le délecte avec l'espoir de le récolter et le vivre réellement un jour. Et les MRE dans tout cela ? Tout « va très bien Madame la Marquise ». Ils voteront et participeront aux élections législatives quand ils seront majeurs !!! Ils voteront lorsque tous les problèmes logistiques seront résolus !!! (Quand ?). Ils participeront quand les conditions de leur participation auront muri !!! Ils voteront quand les poules auront des dents !!! Ils exerceront leur pleine citoyenneté lorsque les tamis seront assez intelligents pour empêcher l'écoulement de l'eau et le passage des rayons de lumière !!! Tout « va très bien Madame la Marquise », dit-on, alors que le torchon brule, la colère gronde dans le milieu de la diaspora marocaine. Pauvre Marquise. Pauvres MRE. Que faire ? Les MRE, respectueux de la loi et attachés aux valeurs suprêmes de leur pays, ont clamé maintes fois leur indignation et leur refus d'être les « éternels mineurs » de la vie politique nationale. Ils ont, dans la perspective des élections de novembre prochain, alerté les partis politiques et saisi le Conseil Constitutionnel pour abroger une loi organique – et sa grande trouvaille, la procuration- jugée inappropriée. Les MRE espéraient trouver chez les partis politiques un allié objectif –car il s'agit de défendre un droit légitime- exercice de droits constitutionnalisés et proclamés. Mais, ces partis « nombrilistes » ont failli, dans leur très grande majorité, (à une ou deux exceptions près), à leur devoir. Comble de la déception, les MRE pensaient trouver dans le CCME l'appui, la compréhension et le courage nécessaires pour défendre et promouvoir leurs droits civiques et politiques. Ils n'ont récolté que sarcasme et moquerie. Ils attendaient des différentes instances ministérielles concernées une action ferme pour régler les questions techniques (listes électorales, découpage électoral, mode de scrutin), pouvant empêcher leur participation aux élections de novembre 2011, ils n'ont récolté que vagues et inutiles promesses. Quels enseignements et messages toutes ces instances ont retenu de la participation des MRE au référendum constitutionnel ? Visiblement aucun… A quel saint se vouer aujourd'hui ? A quelle chapelle, à quel Saint se vouer pour demander justice et réparation contre ce déni de droit et cette atteinte récurrente à la dignité des MRE ? Quoi faire, quoi dire, que proposer pour qu'enfin la raison l'emporte sur des calculs subalternes et pour que le courage politique (des partis, du CCME, du gouvernement) prenne le pas sur des craintes dénuées de tout fondement ? Les MRE devront-ils supporter longtemps cette mise en tutelle et cette injustice et la transmettre en héritage aux générations futures ? Vont-ils trainer longtemps ces images réductrices de « zmagris », de « sac à devises » et de « vache à lait » qui collent à leur peau ? Ne méritent-ils pas d'accéder à ce statut valorisant et méritant de Citoyen Marocain de l'étranger, avec tout ce que cela comporte de droits et de devoirs ? La Tunisie l'a fait, l'Egypte se prête à le faire, pourquoi pas le Maroc ? En tout état de cause, si les réponses à ce questionnement stressant et pressant restent insaisissables, il n'est pas difficile de mesurer l'impact des effets directs et collatéraux de ce nouvel épisode d'exclusion sur la relation de confiance MRE-gouvernement et MRE-partis; il est catastrophique. Jusqu'à quand donc notre pays doit tolérer ou cautionner cela ? Que tous ceux qui orchestrent et légitiment cette stratégie d'exclusion des MRE du champ politique national -stratégie improductive qui ne génère que méfiance et rupture- méditent cette maxime : « Rira bien qui rira le dernier », que Louis Pergaud confie en 1921 à son héro, le père Jourgeot, dans « Les Rustiques, nouvelles villageoises ». Qu'ils méditent aussi ces sages versets coraniques réservés aux « comploteurs » et leurs compères les « mystificateurs ». Ils comprendront, peut-être, le sens et la profondeur de cette colère et cette indignation, conséquences de leurs méfaits, que vivent aujourd'hui les MRE profondément, corps et âme, et non pas par procuration.