La compagnie Royal Air Maroc continue de traverser une période difficile, la conjoncture actuelle n'est pas prête de renverser la tendance et la compagnie n'entend pas retrouver les couleurs au courant de l'année 2009. «L'année 2009 sera mauvaise pour Royal Air Maroc». Driss Benhima a choisi de tout déballer, lors d'une rencontre-débat, le 12 mars à la Chambre française de commerce (CFCIM) de Casablanca. «Un début de fléchissement a été enregistré en 2008, alors que le trafic aérien sur le Maroc enregistrait un record de 11,2 millions de passagers, une année plus tôt. Ce qui laisse croire, selon Benhima, que 2009 sera moins bonne avec une stagnation du trafic aérien, compte tenu du recul des voyages et du tourisme à l'international. Il n'est pas exclu, selon lui, que cet exercice soit probablement pour la première fois déficitaire. A plus long terme, la compagnie compte poursuivre la rationalisation de sa flotte. Dès cet été, vont être étoffées les destinations «qui marchent bien», comme l'Afrique où certaines grandes compagnies aériennes focalisent leurs efforts. Air France porte l'essentiel de sa stratégie commerciale sur l'Afrique de l'ouest en augmentant son offre de 10% vers Luanda, Brazzaville, Ouagadougou, Port Harcourt, Bangui... Mais c'est sur le moyen-courrier que les changements seront les plus importants. On assiste ainsi au grand retour des départs de Provence via Casablanca pour les continuations vers les différentes capitales africaines surtout. Devant la chute attendue du trafic, RAM va créer des fréquences sur les liaisons entre Casablanca et les principaux pays d'Afrique centrale et australe. Au-delà de la volonté de Royal Air Maroc de consolider son rang de 2e compagnie africaine, acquis en 2007 derrière la South African Airways (Afrique du Sud), l'enjeu est de combler le manque à gagner sur le plan financier. Sur les lignes domestiques, la compagnie perd plus de 154 millions de DH par an en plus des difficultés à se faire du chiffre sur les lignes régulières rendues encore plus difficiles par la concurrence des low cost, entre autres. A noter que RAM réalise 70% de chiffre d'affaires à l'étranger dont 40 en France. Or, cette course à la rentabilité se fait depuis 2002, date de l'ouverture effective du ciel entre l'Europe et le Maroc, qui a démarré un peu plus tôt côté marocain dès le lancement du Plan Azur en 2001. Mais, comme le répète à l'envi le patron de RAM, «le Maroc n'a pas attendu la signature de l'open sky en décembre 2006 pour ouvrir son ciel aux avions européens». Ceci, bien que «l'Europe n'ait pas été favorable à cette initiative encore moins coopérative sur la question de l'ouverture du ciel». Depuis l'ouverture, «aucune compagnie ne s'est vue refuser l'atterrissage au Maroc», martèle-t-il comme s'il voulait prendre à témoin les membres de la CFCIM. En revanche, «l'on oblige RAM à atterrir dans d'autres aéroports que ceux programmés». Les cas des transferts d'atterrissage des vols RAM des aéroports de Roissy CDG vers Orly sont éloquents. De plus, jusque-là, les règles européennes accordent des droits d'atterrissage plus complets et plus intéressants aux nouveaux entrants, se plaint le management de RAM. «Certes, le ciel est ouvert, mais les aéroports européens sont souvent fermés», lance-t-il, un brin rieur, vers le président de la Chambre, Bernard Digoit, qui acquiesce. Autre contrainte de taille, «la compagnie nationale n'a pas les mêmes droits que ses consœurs européennes». Malgré l'open sky avec l'Europe, un rapport de forces existe avec des conditions européennes extrêmement restrictives pour le Maroc, qui a risqué gros avec l'ouverture du ciel. Car, «on aurait pu voir disparaître la compagnie nationale», fait remarquer le patron de RAM. Mais, au-delà des contraintes liées aux modalités d'application de l'open sky, «la libéralisation a aussi apporté son lot d'avantages en termes de trafic», reconnaît Driss Benhima, bon joueur. Autre constat. 2008 et 2009 ont été marquées par la disparition du ciel marocain de grandes compagnies classiques (British Airways, Iberia…), qui ont été remplacées par des low cost, notamment Easy Jet et RayanAir. De grosses machines, qui disposent de beaucoup de sous-traitants et d'un site Internet! Tout le reste est outsourcé. Ce qui gêne énormément le low cost local qui connaîtrait de grosses difficultés, laisse entendre Benhima. «Jet4You souffre énormément aujourd'hui car la concurrence a une offre plus globale, donc réalise de grandes économies d'échelles», estime-t-il. La compagnie a développé ses propres filiales. Sauf qu'il y a de fortes chances que le paysage aérien évolue dans les prochaines années avec probablement la disparition de petites compagnies et le développement et le renforcement de grands low cost. Un scénario avec lequel RAM et sa filiale Atlas Blue devront composer. A ce titre, Benhima annonce le repositionnement imminent d'Atlas Blue. Celle-ci est appelée à monter en gamme en ouvrant dans quelques semaines une offre business class entre Paris et Marrakech notamment. Il s'agit alors de mettre fin au modèle économique d'Atlas Blue en tant que pur produit low cost. A. R. & B. T