Le recours du gouvernement à la cession, dans l'urgence, de participations publiques stratégiques dont la dernière est Maroc Telecom, a de quoi inquiéter, sérieusement. Orientée principalement vers la compensation de l'impasse budgétaire prévue pour 2019, cette privatisation reflète l'absence de vision économique à même de soutenir une nouvelle approche pour un investissement public directement productif. Elle confirme aussi la malencontreuse tendance à détruire des pans structurants pour l'économie nationale avec la perte de milliers d'emplois. La leçon de la COMANAV et de la SAMIR, dont la privatisation a mal fini, ne semble pas avoir été retenue. Tout le monde en effet note aujourd'hui, avec dépit, que la cessation d'activité de la COMANAV a privé notre pays d'un pavillon maritime national historique alors que notre commerce extérieur et nos infrastructures portuaires connaissent un développement remarqué, au même titre que les attentes croissantes de nos MRE. Nous subissons également, chaque jour, l'impact négatif de la fermeture de la SAMIR qui a privé le pays de son unique raffineur de pétrole et d'une importante capacité de stockage des hydrocarbures, outre la perte de tout un écosystème économique lié à l'industrie chimique. Le tout avec de conséquentes pertes d'emplois. Aujourd'hui, le bon sens exige plutôt la promotion d'une gestion active des participations de l'Etat dans les sociétés jugées stratégiques pour contribuer au décollage de ces entreprises, à leur stabilisation et à leur développement. Il ne faut pas perdre de vue que sans la contribution directe des capitaux publics, l'émergence de nouvelles filières et de nouveaux écosystèmes (automobile, offshoring, énergie, tourisme, logistique…) et les milliers d'emplois qu'ils génèrent ne se seraient jamais réalisés. Tout miser sur les investissements publics directs et se retirer des entreprises stratégiques juste parce que nous avons des déficits budgétaires à combler, est d'une insipidité désolante. D'autant plus que les investissements publics ont de moins en moins d'impact sur la croissance et sur la création d'emplois. Comme l'a démontré tout récemment l'Alliance des Economistes Istiqlaliens, dans les années 2000, l'investissement de l'équivalent de 4 points de PIB générait quelque 30.000 emplois, alors qu'aujourd'hui, il en faut 7 points de PIB pour créer seulement 10.000 emplois. La situation se trouve en outre aggravée par un recul de l'effet d'entraînement de l'investissement public sur le privé. L'effort doit donc porter sur les deux fronts, celui de la présence publique dans les entreprises stratégiques et celui de la reconsidération des investissements publics. D'où d'ailleurs la triple proposition de l'Alliance istiqlalienne : Créer une agence nationale qui sera chargée la gestion des participations étatiques dans les entreprises économiques ; procéder à une évaluation de l'impact des investissements publics pour rectifier le tir et faire en sorte à ce que ces investissements soient générateurs de valeur et d'emplois durables ; mettre en place un programme national d'investissements productifs pour accompagner, par des prises de participation directes, l'émergence, le développement et la défense d'activités productives stratégiques et structurantes pour le tissu productif national. Très pertinentes, ces propositions sont à même d'ouvrir la voie vers une nouvelle politique économique devant accompagner le nouveau modèle de développement qui se fait toujours attendre. Y aura-t-il, cette fois, une oreille attentive ?