Les sons de fanfare s'élèvent ce samedi 15 juin à l'entrée du Centre culturel Ahmed Boukmakh à Tanger, qui accueille la commémoration de la 45ème année du décès de Allal El Fassi. L'ambiance est festive mais chez les plus vieux, la disparition du "Za'im" est toujours aussi amère qu'elle le fut en 1974. "Je pleure encore comme un enfant quand je pense à Si Allal", soupire ce septuagénaire, le vague à l'âme. Pour ce premier rassemblement national du parti à Tanger depuis l'accession de Nizar Baraka au Secrétariat général, l'abondance est spectaculaire. "On est impressionné par cet afflux de toutes parts de plus de 2000 personnes. On ne s'y attendait pas", reconnaît un membre du comité d'organisation. La salle de conférences qui va accueillir l'évènement est déjà pleine qu'autocars et bus transportant les militants venus des quatre coins du Maroc débarquent au parking. Mais quand la délégation du Bureau provincial de Rabat arrive, tout le monde s'attend à la surprise, et les Rbatis ne déçoivent pas. Guidés par l'infatigable "Filali", qui revendique 50 ans de militantisme au sein de l'Istiqlal, femmes et jeunes de Rabat brandissent drapeaux et photos de Allal El Fassi, et scandent, au point de mettre les fanfares en mode sourdine, chants nationaux et hymne du parti. Il faut dire que la logistique n'était pas contraignante. Une grande partie des participants ont fait le déplacement par Al Boraq, qui donne désormais aux déplacements vers Tanger des allures de promenade de santé. Ce n'est pourtant pas un hasard si Tanger a été choisie pour abriter cette rencontre. Comme l'a rappelé, dans son allocution d'ouverture, Abdeljabbar Rachdi, membre du Comité exécutif du parti, la capitale du Boughaz fut le deuxième lieu de résidence du "leader de la libération", après Fès. En effet, après sa mise en exil par les autorités coloniales au Gabon, puis au Congo, Allal El Fassi s'était installé en 1949 à Tanger, qui jouissait du statut de Zone internationale jusqu'en 1956. Référence inexorable "La conscience est le fondement de la civilisation véritable. (...) Une conscience lucide est l'unique instrument pour parvenir à rebâtir notre société". Ces deux phrases, extraites de l'œuvre de référence de feu Allal El Fassi, "L'Autocritique", expriment sommairement la pensée du chef de file du mouvement national. En présence des deux fils du Za'im, Hani et Abdelouahed El Fassi, l'actuel Secrétaire général du parti, Nizar Baraka, a démontré comment les idées fondatrices de Si Allal inspirent la vision actuelle du parti du nouveau modèle de développement, telle que présenté au Cabinet royal en novembre 2018. Selon Baraka, la pensée conceptuelle de Allal El Fassi et son référentiel égalitaire sont une clé d'entrée pour remédier aux "dysfonctionnements du modèle actuel". "Ces orientations se basent sur la préservation de la sécurité spirituelle et l'intégrité territoriale, le renforcement de la solidarité et de la cohabitation entre les citoyens, avec un focus sur les valeurs fédératrices de l'identité nationale, où la religion musulmane occupe une place centrale", explique le Secrétaire général. En faisant référence aux principes de "préservation de la richesse et sa répartition équitable », étayés dans les innombrables écrits de Allal El Fassi, Baraka a appelé à "l'encouragement de l'entrepreneuriat et à la lutte contre les tendances monopolistiques" de certaines structures économiques, insistant que le parti de la balance "ne peut que faire face à toute politique débouchant sur l'exacerbation des fractures sociales et territoriales, ou nuisant au pouvoir d'achat de la classe moyenne". Le nouveau modèle défendu par l'Istiqlal doit "cibler les familles les plus atteintes par les inégalités sociales, et réduire les disparités entre les provinces littorales et les zones montagneuses et frontalières", préconise Baraka en mettant l'accent sur la nécessité de "renforcer les capacités humaines et passer d'un modèle d'investissement sur les infrastructures, à un autre qui renforce le capital humain". En somme, l'humanisme vrai tel que préconisé par Allal El Fassi. Tout en étant convaincu du rôle de l'élite intellectuelle et militante, "Sidi Allal" plaidait la proximité de celle-ci du citoyen simple, une caractéristique que nos dirigeants ont tendance à oublier. Amine DERKAOUI