Imilchil, Anfgou, Anzi…des régions et communes montagneuses qui animent la chronique dans les revues touristiques et les sites internet spécialisés. Surtout pour le renommé Moussem des fiançailles d'Imilchil. Toutefois, cette belle carte postale a un revers. Il s'agit du phénomène du mariage des mineures. A ce propos, les chiffres sont éloquents et nous interpellent tous. Le phénomène du mariage des mineures est ancré dans les régions isolées du Maroc et est induit, surtout, par la déperdition scolaire. La jeune Hayat Outemma, représentante de l'association « Akhyam » pour le développement socioéconomique d'Imilchil, affirme : « Pour 60 villages de la région, il y a trois collèges, un lycée et chaque village a une école. La plupart des enfants abandonnent l'école après la 6ème année du primaire (à partir de 12 ans). 49 km séparent les collèges des villages, la route est dans un état délabré, le transport scolaire est insuffisant et le froid est glacial (moins 7 degrés au printemps) ». Et d'ajouter : « Quand tu ne fais rien, tu ne gagnes rien, donc, tu dois te marier ». « Au vu des conditions économiques, du manque d'infrastructures, tout peut être imposé ». Le HCP parle de 12% de mineures mariées, de l'ensemble des mariages au niveau national, dont un tiers ont au moins un enfant. Et les statistiques du ministère de la Justice avancent qu'en 2011, 39.031 contrats ont été enregistrés. Soit 12% de l'ensemble des contrats de mariage, assurant que ce nombre a diminué et atteint, en 2018, 25.514 contrats. Une régression qui a chuté à 9,36%. Or, ces chiffres déclarés ne reflètent pas la réalité, a déclaré Hayat Outemma. « 125 mineures dont l'âge varie entre 15 et 17 ans ont été mariées, rien qu'en cette année, à Imilchil qui compte 34.000 habitants ». « Les moins de 14 ans sont une réalité, mais pas dans la région où travaille l'association, de l'autre côté des montagnes, dans le village Anfgou de la commune Anzi ». Ce chiffre conséquent est aggravé, depuis l'application des articles 16-20-21 du Code de la Famille. Aussi, par les campagnes d'authentification du mariage, qui sont organisées dans tout le Royaume. Nul n'est sensé ignorer la problématique du mariage précoce au Maroc, surtout au niveau des régions enclavées et pauvres. Et le plus grave, c'est que, dans 95% de mariages, le mineur est une femme. Faute de statistiques, que peut-on alors dire de l'âge de l'époux ? Est-il dans la tranche d'âge 15-17 ans ou a-t-il plus de 50 ans ? Rencontrée lors d'une campagne, organisée par le Conseil National des Droits de l'Homme sous le thème : « Tous et toutes sont mobilisés pour une cause : « Mariage des mineures : Abolir l'exception... rétablir la norme », la jeune Hayat Outemma y était invitée en tant que militante de terrain. Elle nous a parlé aussi des problématiques de la région : « Imilchil est une région montagneuse s'élevant à 2400 mètres au dessus de la surface de la mer, souffre d'isolement et de pauvreté. Quoique connue pour son festival ou Moussem des fiançailles, il n'y a, à certains endroits, ni eau, ni électricité, ni routes. C'est ce qui explique le retard de développement, par rapport au reste du Maroc, que connaît la région. Et c'est ce qui induit les mariages précoces ». Bouteina BENNANI